La théorie du panda by Garnier Pascal

La théorie du panda by Garnier Pascal

Auteur:Garnier, Pascal [Garnier, Pascal]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Publié: 2008-07-23T22:00:00+00:00


Il ne restait plus dans le compartiment congélateur du frigo qu’une langue de veau, énorme, constellée de cristaux blancs. Tout le reste était vide, comme l’appartement. Il avait passé la journée à attendre qu’elle décongèle, posée sur la planche à découper. Toute une journée à suivre le long ramollissement de cette langue muette. Il n’avait rien d’autre à faire. Vers dix-neuf heures, il l’avait plongée dans un court-bouillon et s’était préparé une sauce piquante, tomates, cornichons, petits oignons.

Il y en avait pour un régiment. Pourtant il l’avait mangée en entier, sur la terrasse, cette langue qui ne lui disait rien, jusqu’à s’en rendre malade, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que les petits os du gorget et des morceaux de cartilage. Le téléphone avait sonné tandis qu’il vomissait, la tête enfoncée dans la cuvette, les mains accrochées à la faïence blanche. Ça n’avait pas d’importance. Il n’avait plus rien à dire à personne. Puis il était retourné sur la terrasse, enveloppé dans le vieux plaid qui servait aux chats. Il faisait chaud mais il grelottait en regardant la faucille de lune faucher les étoiles. D’habitude, à cette heure-là, Juliette dormait, le pouce dans la bouche, Blandine dessinait à sa table de travail, les chats jouaient à s’attraper… Mais il venait de vomir une langue de veau entière et il ri avait plus de mots pour dire la nuit, la mer, ce qu’il faisait encore là.

— À quoi tu penses ?

— À une langue de veau.

— T’es pas possible, toi, tu penses qu’à la bouffe ! Et avec les filles, hier soir, comment ça s’est passé ?

— Bien. On a été au restaurant et je suis rentré.

— Seul ?

— Seul.

— Je ne te comprends pas. Elles te bouffaient des yeux, surtout la grande, celle de l’hôtel, comment qu’elle s’appelle déjà ?

— Madeleine.

— Mon vieux, t’aurais juste à claquer des doigts ! C’est un beau brin de fille. Note bien que l’autre est pas mal non plus. C’est un autre genre. Alors tu t’en es fait aucune ?

— Ce sont des amies, juste des amies.

— Après tout, ça te regarde. Mais c’est du gâchis quand même. Dis donc, qu’est-ce que t’en penses de mes fleurs ?

— Très jolies !

— Des orchidées ! Elles viennent des îles je ne sais quoi. Jette un coup d’œil à l’arrière pour voir si elles ne sont pas trop amochées. Je les ai achetées tôt ce matin.

Gabriel se penche sur la banquette arrière. C’est laid les orchidées, ça ressemble aux photos de maladies vénériennes dans les bouquins de médecine.

— Elles n’ont pas pris une ride.

— Tant mieux. Regarde-moi ce connard, devant ! Et que je te double et redouble… Tiens, le voilà bloqué au feu. Bien fait pour sa gueule ! Après l’hôpital, je passerai un coup de fil aux enfants pour leur dire d’être bien sages quand leur mère sera rentrée à la maison. C’est qu’elle revient de loin, il va lui falloir du temps pour se remettre. À moins qu’on aille les voir, si t’as rien d’autre à faire, bien sûr.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.