La technique et le temps by Bernard Stiegler

La technique et le temps by Bernard Stiegler

Auteur:Bernard Stiegler [Stiegler, Bernard]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782213700878
Google: 45ZivQEACAAJ
Éditeur: Fayard
Publié: 2018-10-16T22:00:00+00:00


La biologie moléculaire, dans son effectivité technique, rend possible la sortie hors des lois de l’évolution si l’on continue d’admettre que l’axiome de Jacob en est l’énonciation la plus synthétique. Ou plus exactement, l’effectivité de la biologie moléculaire devenue chirurgie rend possible une telle sortie en apparence. Car on pourrait en venir à affirmer aussi qu’elle fait surtout effectivement apparaître que les « lois de l’évolution » furent suspendues au moins depuis l’invention de l’homme, c’est-à-dire de la technique, et qu’il n’est plus possible de l’ignorer au moment où cette suspension gagne une effectivité radicalement nouvelle.

Le milieu n’a pas d’influence didactique sur le germen, dit Jacob, parce qu’il n’y a aucune communication directe entre germen et soma. Cela reste-t-il vrai lorsqu’il s’agit d’un milieu technique ? On peut absolument en douter au moins depuis l’Australopithèque : on serait effectivement sorti des lois du vivant depuis 4 millions d’années. Cela ne signifie pas que cette « sortie » se serait accomplie d’un coup. Et nous continuerions d’en « sortir ». Reste que nous serions aujourd’hui sur un seuil, le pas d’une porte, au moment d’un saut imminent : celui auquel la chirurgie génétique, précisément, semble nous pousser inéluctablement.

La variation imaginaire, quant à l’essence de l’homme, ne serait plus praticable si son résultat devait aboutir à l’identification stable d’un eidos. Marvin Minsky nous invite à pratiquer une telle variation dont les conséquences sont aussi illimitées que ce que nous laisse entrevoir la chirurgie génétique[58]. Elle consiste à imaginer un corps humain amovible : elle entre en conflit avec cette autre possibilité de la variation qui dégage au contraire un eidos de l’homme où le corps propre constitue un attribut essentiel. Corps propre veut dire en effet inamovible, et c’est toute une question du lieu qui est ainsi posée[59].

Quoi du lieu lorsqu’il devient possible de parler de téléprésence ? Le premier moment de l’argument de Minsky pose que la réalité virtuelle décrit le fonctionnement même des rapports entre le cerveau et le reste de l’organisme. Il sépare donc a priori les deux : un cerveau pourrait commander un autre corps, n’importe quel corps, et il n’y a donc pas de corps propre.

Les prothèses de réalité virtuelle sont composées d’une « lunette écran de visualisation » et d’un « gant de données ». Dans la lunette est représenté l’espace virtuel qui soit n’existe pas du tout, est simulé dans l’ensemble de ses caractéristiques physiques, soit existe ailleurs mais est reproduit virtuellement là où se tient réellement l’utilisateur de la lunette et du gant. Celui-ci peut par exemple piloter un robot à distance, et l’on parle dans ce cas de télé-présence. Ce qu’il voit, c’est alors ce que « voit » le robot qui se tient effectivement dans l’espace. Le gant de données et la main du robot étant synchronisés, tout geste effectué par l’utilisateur ne sera réellement effectué que par le robot, mais l’utilisateur en éprouvera tous les effets. Si par exemple il est télécommandé au robot de serrer un boulon avec une clé



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