La symphonie du vivant by Joël De Rosnay

La symphonie du vivant by Joël De Rosnay

Auteur:Joël De Rosnay
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Les Liens qui libèrent
Publié: 2018-02-07T09:01:53+00:00


ÉPIGÉNÉTIQUE ET TRANSMISSION HÉRÉDITAIRE

DE CARACTÈRES ACQUIS

Au moment où la fécondation se produit, l’ADN des spermatozoïdes et l’ADN de l’ovule ne sont pas les seuls à se rencontrer et à fusionner. Il existe, au sein des cellules germinales, un grand nombre d’autres molécules, en particulier des micro-ARN, mais aussi des peptides, des hormones, des facteurs de croissance, susceptibles d’influencer le développement de l’embryon. Ces molécules ont pu être produites en réponse à des événements traumatisants ou à des facteurs qui détermineront la vie à long terme (séparation de la mère à la naissance, malnutrition, excès alimentaires, manque d’exercice ou de sommeil…).

Le remarquable travail d’Isabelle Mansuy et de son équipe de l’université de Zurich a permis d’identifier des mécanismes de transmission épigénétique du stress chez la souris 5. Les chercheurs ont mis en évidence des molécules de micro-ARN spécifiques produites au cours de la vie, qui interviennent lors d’événements traumatisants ou de stress intense. Ces molécules ont été repérées dans le sperme de souris adultes qui avaient été séparées de leur mère juste après la naissance. Preuve a pu être établie que des extraits purifiés de micro-ARN de souris stressées injectés à des embryons de souris normales conduisaient, à la naissance, au même comportement anormal que les souris stressées. En revanche, les souris receveuses qui avaient reçu le micro-ARN témoin (donc non stressé) restaient normales.

La réduction de la production de glutamate 6 chez les souris descendantes de souris hautement stressées fait apparaître une modification des histones. Cet effet est provoqué par un autre processus que la méthylation : on parle d’acétylation du gène codant pour le glutamate. Il apparaît ainsi que la production ou l’inhibition d’une molécule agissant sur le cerveau peut être obtenue par la transmission épigénétique de caractères exprimés par les parents.

La transmission héréditaire des caractères acquis liés au stress a également été confirmée par une équipe de l’université américaine Rockefeller. Les chercheurs ont démontré que l’acétylation les histones jouait un rôle fondamental dans la transmission de désordres mentaux comme l’anxiété et la dépression 7. Ils ont observé que les souris qui réagissaient de manière inconsistante aux tests de dépression et d’anxiété présentaient un taux moins élevé de glutamate dans la région du cerveau appelée « hippocampe » (région impliquée dans les réponses émotionnelles et le stress). La molécule mGlu2 régule le neurotransmetteur glutamate, et sa diminution chez les souris très sensibles au stress est le résultat d’une modification des histones par acétylation du gène codant pour la mGlu2. Les chercheurs ont également prouvé qu’il était possible de réduire les symptômes de dépression en utilisant un antioxydant bien connu : l’acétyl l-carnitine (Alcar).

Une autre équipe, issue du laboratoire de l’École de médecine du mont Sinaï, a démontré que la régulation d’un seul gène spécifique localisé dans une zone du cerveau liée à la dépression et aux addictions pouvait contrôler les réponses d’un individu soumis aux drogues ou à des situations génératrices de stress. En recréant des mécanismes d’addiction à la cocaïne chez la souris, elle a mis en évidence la transmission de ce caractère acquis dans leur descendance et chez les nouvelles générations.



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