La Sylvanire by Honoré d'Urfé

La Sylvanire by Honoré d'Urfé

Auteur:Honoré d'Urfé [d'Urfé, Honoré]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


SCENE II.

Hylas. Sylvanire.

Fossinde. Aglante.

Hylas.

Mais la voicy

La belle Sylvanire,

La voicy ta Déesse,

Si tu n’as creu, berger, à mes paroles

Tu sçauras de sa bouche,

S’il n’est pas vray qu’elle soit une souche.

Syl. Mon Dieu, ma sœur, tournons nos pas ailleurs.

Foss. Est-ce un serpent que vous avez trouvé ?

Venez, venez, il n’est pas venimeux.

Agl. O courtoise Fossinde,

Serpent se peut bien dire

Ce malheureux berger,

Si le serpent est hay de la femme,

Mais au rebours, serpent je ne suis pas,

Si le serpent est de nature froide,

Car je suis tout de feu :

Et s’il est vray qu’à certaine saison

Il despoüille sa peau,

Car je n’ay jamais peu

Me despoüiller de l’amour que je porte

A ceste belle & cruelle bergere,

Qui pour ne me voir pas

Ailleurs tourne ses pas.

Mais, belle Sylvanire,

Quelle raison vous peut faire en aller,

Si c’est pour me fuïr

Vous ne le sçauriez faire,

Car vous estes tousjours

Au milieu de mon cœur,

Et si vous ne pouvez

Fuïr si vistement,

Qu’Aglante ne vous suive

Encor plus promptement ;

Que si ce n’est du corps

Au moins de la pensée.

Arrestez donc puisqu’il est impossible

Vous éloigner de moy :

Arrestez Sylvanire,

Pour voir au moins dans ce cœur que je porte

Les coups plus glorieux

Qui soient jamais procedez de vos yeux :

Quelquefois le vainqueur

Se plaist d’oüyr redire

L’histoire de ses faits,

Se plaist de voir les coups

Qu’en la chaleur du combat il donna.

Et pourquoy mon vainqueur

Vous plaist-il pas de voir,

Puisque c’est vostre gloire

En moy vostre victoire ?

Foss. Vrayment il sçait aymer.

Hyl. Voyez la desdaigneuse,

Elle ne daigne pas

Tourner les yeux vers luy.

Agl. Vous destournez ailleurs

Vos beaux yeux que j’adore,

Cruelle je voy bien,

Je le voy bien que vos yeux ne sont pas

Esgaux en cruauté

Au cœur que vous portez :

Car ils ne peuvent voir

Les profondes blessures

Dont vostre ame cruelle,

Ny vostre cœur aussi dur qu’un rocher

N’ont jamais eu pitié.

Serez vous jamais lasse

De me voir tant souffrir ?

Hyl. Le voila le bon heur

De ces amants fidelles.

Foss. Mais toutes ne sont pas

D’une humeur si cruelle.

Agl. Au moins avant ma mort

Faites moy ceste grace,

Qu’helas je puisse dire,

Je les vis sans rigueur

Un moment, ces beaux yeux,

Ces yeux de Sylvanire.

Hyl. O belle recompense.

Agl. Vous ne respondez point,

O ma belle bergere !

Dieu voulut que celuy

Qui m’a lié le cœur

Vous eust lié la langue.

Syl. Que cherches-tu de moy ?

Aglante que veux-tu ?

Agl. Amour ! amour ! Syl. Amour ; il ne se peut,

Amour & mon honneur ne peuvent estre ensemble.

Foss. Amour & vostre honneur

Ne peuvent estre ensemble ;

Car l’amour & l’honneur

Ne sont pas ennemis

Sinon dans vostre cœur.

Syl. Je veux bien que l’on croye

Que dans mon cœur l’amour

Ne peut faire sejour,

Pourveu que de l’honneur

L’on n’en soit point en doute.

Hyl. Honneur vrayment humeur

Et pure opinion,

Un idole impuissant

Qui jamais ne se sent,

Une feinte chimere,

Dont aujourd’huy les filles

Se laissent abuser

Par leurs meres plus fines.

Syl. Soit ainsi que tu dis,

Ce que je ne croy pas,

Qu’en puis-je-mais, Hylas ?

Je ne veux tant y a

Me faire d’autres loix,

Que les loix ordinaires

Que nous donnent nos meres.

Hyl. Ta mere quelquefois,

Et n’en sois point en doute,

Fut jeune comme toy.

Agl. Mais non pas aussi belle.

Hyl. Peut-estre moins cruelle.

Syl. Et qu’est-ce pour cela ?

Hyl. Pour cela je veux dire

Que maintenant ta mere

Te porte envie, ô folle,

Et qu’elle ne veut pas

Que tu goustes les biens

Que l’âge luy dénie.



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