La sauvegarde du peuple by Edwy Plenel

La sauvegarde du peuple by Edwy Plenel

Auteur:Edwy Plenel [Plenel, Edwy]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La découverte
Publié: 2020-02-15T06:50:30+00:00


C’est peu dire que je me suis heurté, dès lors, à une impasse. Cherchant, à la date du 13 août 1789, les circonstances de la proclamation d’une formule dont l’énoncé me semblait avoir libéré les énergies d’une démocratie radicale, j’étais finalement tombé sur un réquisitoire d’en haut sermonnant la révolte d’en bas. Le texte de l’Assemblée des représentants de la Commune de Paris est un discours de propriétaires du bien public, au nom de l’autorité conférée par une délégation de pouvoir dont toute contestation vaudrait remise en cause de la volonté générale.

Nous voici bien loin de l’idéal démocratique d’une liberté de la presse donnant droit aux protestations minoritaires, aux revendications dérangeantes ou aux causes perdues. Au-delà de la personnalité de Marat, de ses emportements et de son âpreté, le conflit entre « l’Ami du peuple » et la municipalité parisienne, qui connaîtra de nouveaux rebondissements dès le 25 septembre 1789, est la scène inaugurale d’un affrontement récurrent entre deux visions de la démocratie. L’une qui la borne et la contient, la résumant et la réduisant à la légitimité de l’ordre issu du vote et de l’élection. L’autre qui l’étend et l’encourage, la stimulant et l’activant grâce aux désordres dynamiques d’un espace public pluraliste.

Les tenants de la première conception auront régulièrement le désir de contrôler, soumettre ou enrégimenter la profession qui leur semble le feu follet irresponsable de la seconde : le journalisme. En 1789, il reste une grosse décennie avant que l’un des plus notables assassins de la liberté de la presse, Napoléon Bonaparte, ait à ce propos des mots définitifs : « La presse doit, entre les mains du gouvernement, devenir un puissant auxiliaire pour faire parvenir dans les coins de l’Empire les saines doctrines et les bons principes. L’abandonner à elle-même, c’est s’endormir à côté d’un danger. » Quand elle ne les emprisonne pas ni ne les assassine, sa postérité, variée et innombrable, rêve encore d’enfermer celles et ceux faisant profession d’informer et d’alerter dans un « ordre des journalistes » qui, enfin, les discipline.

J’en étais là, l’enthousiasme en berne, quand Verviers est venu à mon secours. Cette échappée belge m’a remonté le moral en me rassurant sur la radicalité intacte de la formule de Bailly, au-delà des frilosités et des précautions de son auteur. Reconstituant le cheminement qui l’a amenée à se retrouver au fronton de la mairie, j’ai eu le bonheur de rencontrer son souffle révolutionnaire d’origine, dans une variante qui dépassait toutes mes attentes.

C’est en effet une révolution qui a propulsé les mots de Bailly en devise d’une ville belge : celle qui, en 1830, a enfanté la Belgique comme État-nation. Le feu partit de Bruxelles qui, les 25 et 26 août, se révolta contre la domination hollandaise, puis l’incendie gagna rapidement Liège, Namur, Verviers, etc. Le 29 septembre, les provinces belges firent sécession du royaume des Pays-Bas ; le 4 octobre, l’indépendance de la Belgique fut proclamée à Bruxelles et un Congrès national convoqué ; indépendance qu’une fois réuni ledit Congrès national confirma officiellement le 18 novembre.



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