La rue des enfants, les enfants des rues by Marie Morelle

La rue des enfants, les enfants des rues by Marie Morelle

Auteur:Marie Morelle [Morelle Marie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: enfants, rue, Cameroun, Yaoundé, Madagascar
ISBN: 9782271091130
Éditeur: CNRS Éditions
Publié: 2019-04-24T14:09:19+00:00


Les représentations des secteurs : les « bons » et les « mauvais » secteurs

Yaoundé. Calafatas, c’est donc cette terrible odeur de colle. À vous brûler vos propres poumons. Des yeux cernés. Des joues creuses. Une haleine toxique et chimique. Un chiffon dans une main. Une vieille chaussette enfoncée dans la bouche. Certains s’échangent quelques passes de football avec un vieux ballon à demi dégonflé. Assis sur un banc ou sur de vieux tabourets aux coussins de mousse éventrés, un groupe joue aux cartes.

La boulangerie Calafatas vient de « verser la poubelle ». On se précipite. Gâteaux rassis, pâte crue à ramasser et à faire cuire « à l’étouffée » dans des papiers d’emballage de beurre, miettes de tailles variées, pâte à choux... L’heure du repas. Avec toujours la douce odeur des baguettes françaises craquantes pour donner l’illusion. On racle. On gratte. Rien ne se perd. D’autres font réchauffer un ragoût dans de vieilles boîtes de conserve. La fumée s’élève le long du mur. Des traces de suie concurrencent quelques vagues graffitis maladroits.

À Antananarivo, le secteur d’Indra n’a rien à envier à Calafatas. La journée, quelques enfants dorment à même les trottoirs graisseux sur lesquels viendront se monter au coucher du soleil, quelques étals de brochettes. Les enfants se réveilleront vraiment quand la boîte de nuit ouvrira ses portes. Les prostituées arriveront, les bagarres éclateront au rythme des musiques qui échaufferont les corps et les esprits. Les enfants, grands et petits, seront fin prêts pour une nouvelle nuit de vol, stimulés par quelques bouffées de chanvre. Dans la bouche de beaucoup d’enfants, Indra est le secteur des voleurs et des prostituées. Il ne fait pas bon y être. Les pickpockets sont rois.

À Yaoundé, Campero et Calafatas sont les pendants de l’Indra. Ils sont stigmatisés par les enfants de la rue : ce sont des hauts lieux de vol et de consommation de drogue. Abbia, la laverie de l’avenue Kennedy ou Amacam sont les domaines réservés des grands, des forts. Etoudi est finalement peu connu. Seule la Gare-Voyageurs trouve grâce aux yeux de la plupart, les voleurs comme ceux qui souhaitent travailler autrement.

À Antananarivo, les grands de Behoririka font peur. Andravoahangy et Anosibe inspirent la même indifférence qu’Etoudi à Yaoundé.

Mais il suffit qu’un passage dans un des secteurs se termine en bagarre pour que, dans les représentations d’un enfant, cet espace soit à jamais haï, critiqué et parfois fui. A contrario, celui qui trouve une petite place s’y plaira en dépit des attaques, des rafles et des menaces. Une amitié comme un coup de poing fait tout basculer. Néanmoins, les grandes tendances sont là et quelques secteurs semblent irrémédiablement classés à part, sans forcément être évités. Les enfants qui ne s’adonnent pas à la drogue jugent un secteur par rapport aux activités potentielles et aux risques postérieurs de se faire « arracher » les gains de leur journée. Ils ont leurs espaces de prédilection mais ils n’ignorent rien du fonctionnement des autres secteurs et peuvent être amenés à les fréquenter pour un business ou pour voir un ami.



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