La rose et le bourreau by Patrick Pesnot

La rose et le bourreau by Patrick Pesnot

Auteur:Patrick Pesnot [Pesnot, Patrick]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique
ISBN: 9782809825015
Éditeur: ARCHIPEL
Publié: 2018-09-05T05:00:00+00:00


12

— Tu es ma femme, je suis ton mari, nous voyagerons ainsi plus commodément.

— Mais nous n’avons pas d’alliances, gémit Marguerite. On nous croira pas !

— C’est que des malandrins nous les ont volées en chemin ! soupira Julienne.

— T’as toujours réponse à tout, hein ? Et pourquoi tu redeviendrais pas une fille ? Pour de vrai ?

— Parce qu’un couple attire moins l’attention que deux femmes seules.

— Mais nous n’avons rien fait de mal. C’est les autres…

Julienne sourit.

— J’ai quand même gravement navré un homme !

— Tu n’as fait que te défendre.

— Certes, mais parfois les voies de la Justice sont impénétrables…

Au-delà de la porte d’Aix, elles s’étaient hâtées de franchir les limites de la ville et marchaient maintenant dans une campagne désolée, mamelonnée de collines crayeuses où poussaient des cades, du serpolet et des genêts. Parfois, un bouquet de chênes verts ou de pins émergeait de cette nature aride et assommée de soleil. Aussitôt les cigales qui peuplaient ces arbres cessaient de striduler à leur approche.

— Où est not’ maître à c’t’heure ? s’interrogea Marguerite en cheminant. Il a p’t’êt’ péri. C’est sa garce de fille qui a tout manigancé. Cette mauvaiseté a bien mûri sa vengeance…

— Et moi, je suis bien aise de n’avoir pas vu Marco se balancer au bout de la corde qui lui était promise. Mais je pleure cette pauvre Fanchette qui est morte comme elle a vécu : le nez dans la fange, piétinée par les hommes !

— Qui c’était, cette Fanchette ? demanda-t-elle, devenant suspicieuse.

— Une petite putain de ma connaissance.

Elle s’arrêta, indignée.

— Tu fréquentais une putain ?

— Eh quoi ? C’était une femme tout comme toi.

— Et tu as eu commerce avec elle ?

Julienne éclata de rire.

— L’aurais-je fait que je n’en éprouverais aucune honte. Mais non, elle m’inspirait seulement de la pitié.

— Et t’as aussi pitié de moi ?

— Ne fais pas ta béjaune ! Avec toi, ce n’est pas pareil…

Marguerite fit la moue.

— J’en suis pas sûre… On est tellement différentes. Toi, tu as de l’instruction, tu sais lire et écrire, t’as voyagé… Moi, j’suis qu’une bête, une souillon ! On m’a jamais appris qu’une chose, servir et besogner pour les autres !

— Je t’apprendrai.

— Non, Julienne. Ma sottise te lassera, tu finiras par me désaimer.

— Alors pourquoi m’as-tu suivie ?

— Pourquoi ?

Soudain, il sembla à Julienne qu’un rayon de soleil passait dans ses yeux verts.

— Parce que j’crois bien que j’ai du vrai sentiment pour toi…

*

Lorsque le soleil avait basculé de l’autre côté des falaises dentelées qui paraissaient mordre le ciel et s’étaient parées de toutes les couleurs du couchant, la fraîcheur était tombée d’un seul coup, humide et pénétrante. Les deux filles avaient trouvé un abri naturel sous une avancée rocheuse. Pelotonnées l’une contre l’autre, attentives, elles avaient écouté les bruits de la campagne s’éteindre peu à peu. Ce fut le silence. Mais, dès que l’obscurité totale avait pris possession du paysage, de nouveaux et nombreux sons parvinrent soudain à leurs oreilles. D’abord ténus puis de plus en plus présents : frottements, glapissements, couinements.



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