La révolution terrorisée by Antoine de Baecque

La révolution terrorisée by Antoine de Baecque

Auteur:Antoine de Baecque
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: CNRS
Publié: 2017-04-14T16:00:00+00:00


Un cadavre politisé

Si les récits de massacre ont ainsi construit le cadavre de la princesse de Lamballe, sans doute est-ce parce que cette dernière portait avec une ostentation certaine les attributs de son rang et de sa nature. Plus encore que les massacreurs, ces récits ont, à travers les mésaventures de son cadavre, fait payer à la princesse de Lamballe son amitié avec la reine, ses aptitudes courtisanes et sa féminité affichée. On peut ainsi distinguer deux « états » du cadavre fantasmé de Lamballe qui renvoient à deux attitudes que la réputation attribuait à la princesse : elle fut une comploteuse et une femme de cour. C’est à partir de ces deux figures que les récits de massacre se mettent en place, et ce sont ces figures qu’ils ne cessent de conforter. La première trouve ses références dans la littérature anti-aristocratique des premières années de la Révolution, incessantes dénonciations des conspirations ourdies à la cour. Cet imaginaire obsidional semble imposer au cadavre de Lamballe un certain nombre d’épreuves spécifiques : la tête coupée, le cœur arraché, l’épanchement public d’un sang impur. La seconde figure repose sur plusieurs réputations emboîtées : la princesse fut regardée avec suspicion comme une courtisane, et à travers celle-ci on visait l’amie de Marie-Antoinette mais aussi la femme et son homosexualité prétendue. Là encore, le cadavre de Lamballe et ses différents outrages ont permis aux récits de massacre de se faire le reflet d’une vie. Les raffinements et la frivolité de la cour ont trouvé une chair où s’imprimer. La sexualité dévoyée exposait le sexe de la princesse aux pires humiliations et sa féminité sans cesse affirmée se projetait sur l’écran immaculé d’une peau de lait.

Dans son édition du 8 septembre 1792, les Révolutions de Paris, le principal journal patriote du moment, propose une lecture sur le vif du massacre de la princesse de Lamballe. Celle-ci est toute politique, intitulée « La justice du peuple ». La violence populaire est d’abord justifiée par un réflexe de défense face au complot aristocratique fomenté dans les prisons de la capitale : « Vers le milieu de la nuit suivante, prévient ainsi le journaliste, à un signal convenu, toutes les prisons de Paris devaient s’ouvrir à la fois ; les détenus étaient armés en sortant avec les fusils et autres instruments meurtriers que les aristocrates avaient cachés. Les cachots de France étaient garnis de munitions à cet effet… » Ce coup de main hardi et prémédité est le signal de l’invasion de la France par les troupes étrangères. Aussi, le peuple, « qui, comme Dieu, voit tout », prend, en représailles, le « parti extrême, mais le seul convenable, de prévenir les horreurs qu’on lui préparait », et se montre « sans miséricorde envers les gens qui n’en eussent point eu pour lui ». L’assassinat particulier de Lamballe n’est qu’un épisode de la prévention de ce complot politique plus général. C’est un épisode, mais qui illustre au mieux les réflexes politiques des massacreurs. Ainsi, lorsque les gardiens de



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