La révolution dans l'ordre by Jonathan Livernois

La révolution dans l'ordre by Jonathan Livernois

Auteur:Jonathan Livernois [Livernois, Jonathan]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai
Éditeur: Editions du Boréal
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Une caisse électorale à vider

Le nerf de la guerre est, cela ne fait pas de doute, la caisse électorale, qui se vide (ou presque) pendant la campagne, se remplit pendant quatre ans et sert de nouveau à l’élection suivante. Bien sûr, pendant la campagne, il faut faire des cadeaux çà et là, payer ceci ou cela, aider l’un et l’autre. Les abbés Dion et O’Neill font le compte: «réparation de toitures, comptes d’hôpital, accouchements», ou encore «promesse de contrats généreux», «parade de frigidaires et des appareils de télévision»; dans des «comtés ouvriers peu fortunés», ce sont plutôt «des centaines de paires de chaussures44» qui sont distribuées.

Vous ne votez pas du bon bord? Oubliez votre pont ou votre route asphaltée. René Lévesque, devenu ministre des Travaux publics en 1960, rappelle que le premier appel d’offre qu’il a préparé a été celui pour refaire le vieux pont de Shawinigan, laissé à l’abandon pendant des années dans ce comté libéral, en plein royaume mauricien45…

Et qu’en est-il de ces réfrigérateurs que l’on aurait distribués aux électeurs? Un document préparé en 1960 par des contempteurs des abbés Dion et O’Neill, au titre subtil de «L’anarchie est à nos portes», fait le calcul: «Si chaque électeur avait été acheté par un réfrigérateur, il eût fallu un cadeau de $6,000,000 par circonscription électorale. Seul un cerveau d’enfant peut croire que le parti libéral et l’Union nationale ont distribué pour $54,000,000 de réfrigérateurs de la province de Québec46.» Le même enfant aura peut-être compris que ce ne sont pas à tous les électeurs que l’on doit offrir un réfrigérateur. Quelques bonnes personnalités suffisent, dans chaque comté…

Les amis du régime ont tout plein d’avantages, un peu comme s’ils étaient des citoyens de première classe dans la province de Québec. Un exemple, parmi tant d’autres: les numéros sur les plaques d’immatriculation des voitures. Dans un débat à l’Assemblée législative, le 9 décembre 1952, tandis qu’on discute de la loi des véhicules automobiles, le député libéral de Montréal–Saint-Louis, Dave Rochon, regrette qu’«aucune sanction [ne soit] infligée aux automobilistes dont le véhicule porte des petits numéros de plaque d’immatriculation47». En 1953, devant les dénonciations de chefs de police, notamment, Duplessis mettra fin à cette manœuvre. Comme le rapporte Pierre Laporte, «on n’a pas oublié la blague de M. Duplessis quand le gouvernement a fait imprimer une deuxième série de petits numéros, la série B. Un député lui a demandé s’il était bien vrai que le gouvernement allait faire cela. “Oui, a dit le premier ministre. – Pourquoi? Parce que nous avons trop d’amis: nous en avons manqué!” Tout le monde a ri. Et 2,000 citoyens sont entrés dans la famille exclusive48.»



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