La rafle des notables by Anne Sinclair

Auteur:Anne Sinclair [Sinclair, Anne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française, Historique, 2eme Guerre Mondiale, A_Poster
ISBN: 9782246824145
Google: 6ILWDwAAQBAJ
Éditeur: Grasset
Publié: 2020-03-17T23:00:00+00:00

La débrouillardise et la chance permirent à des conjoints des raflés du 12 décembre de connaître leur destination.

Pendant de longues semaines, ma grand-mère Marguerite ne sut rien de l’endroit où Léonce était détenu, et chercha, dans toute la France, les traces de l’époux enlevé en pleine nuit. Avant d’obtenir, comme sa voisine, Mariette Engelmann, un renseignement qui lui permit de localiser le camp de Compiègne. Elle tenta de joindre quelques personnes qui pouvaient avoir des relations avec l’État français. Elle ne fut pas la seule, Vichy fut submergé de suppliques. Ce fut même, selon l’historien Laurent Joly, un choc pour le gouvernement de collaboration qui voulait protéger les anciens combattants, et ne voulait « pas embêter les vieux Juifs français » – comme les appelait l’amiral François Darlan7 – assimilés depuis longtemps8, voyant bien le risque que l’opinion publique s’indigne de ces arrestations de nationaux de longue date. Et puis, il y avait une sorte d’identification sociale entre les sommités de Vichy et les élites de la société française arrêtées9. Xavier Vallat, le commissaire général aux Questions juives (remplacé dans l’année 1942 par Darquier de Pellepoix, plus docile encore aux Allemands), émit donc une protestation qui n’eut aucun effet. Il demanda la libération des anciens combattants et des personnes les plus âgées. Mais les autorités allemandes se refusèrent à toute intervention. Seul Fernand de Brinon, le délégué du gouvernement de Vichy en zone occupée, fut habilité à intercéder auprès des autorités occupantes pour des libérations exceptionnelles10. Pour Vallat, comme le notent Marrus et Paxton ou Laurent Joly, cette rafle était une « grave erreur psychologique » qui sapait les efforts de Vichy pour préparer un « climat favorable à l’antisémitisme »11. Pour Xavier Vallat et l’amiral Darlan, il était contre-productif de s’en prendre aux Juifs français assimilés alors qu’il y avait tant de Juifs étrangers notamment en zone libre. Ce fut un tournant qui décida d’ailleurs l’État français à durcir sa politique contre les Juifs étrangers et à convaincre les Allemands de les en débarrasser.

Le camp était sous administration militaire directe des Allemands. Non pas des SS, mais de la Wehrmacht. Toutefois, la Gestapo – avec son chef Dannecker – avait seule l’autorité pour décider de la libération des détenus. Et ceux qu’on a longtemps présentés – c’est désormais de moins en moins le cas dans les travaux actuels des historiens – comme les « gentils soldats de l’armée régulière » n’avaient visiblement pas grand-chose à envier aux cruels SS.

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