La Princesse du sang by Jean-Patrick Manchette

La Princesse du sang by Jean-Patrick Manchette

Auteur:Jean-Patrick Manchette [Manchette, Jean-Patrick]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française, Rivages/Noir, Policier
Éditeur: Rivages/Noir
Publié: 1995-12-31T23:00:00+00:00


13

S’aplatissant encore davantage entre les rochers ronds où elle était à l’affût, Ivy prit plusieurs clichés de l’homme presque nu qui vint arracher la flèche et charger le cochon noir sur ses épaules après que les autres porcs se furent enfuis.

L’homme pouvait avoir trente ans ou un peu plus. Il était grand et large, avec un visage carré, le menton ferme, la bouche charnue, le nez droit entre des pommettes hautes. Les yeux n’étaient ni sombres ni très clairs. Ivy le voyait d’assez près avec le téléobjectif de 200 mm. Il avait un large front sous une tignasse filasse peu soignée dont les mèches lui tombaient sur les oreilles. Il était athlétique, harmonieux et hâlé profondément. Son arc était un peu plus grand que lui. C’était une arme en aluminium, encordée de nylon. Au reste le chasseur portait dans le dos un carquois de toile beige usée avec sept ou huit longues flèches dedans dont on voyait les empennages emplumés, et il avait sur la cuisse droite de son short haillonneux un très grand coutelas dans un étui de toile, une variété quelconque de sabre d’abattis mais dont la lame paraissait plus incurvée que celle d’un machete.

Entre le mamelon gauche et la clavicule s’apercevait une cicatrice circulaire absolument blanche, grosse à peu près comme une pièce d’un demi-dollar. Quand le chasseur pivota avec le porc noir sur les épaules, Ivy vit son dos et dans son dos, à gauche, un épanouissement de tissu cicatriciel gris et blanc, de la taille d’une petite tomate. Certainement cet homme avait jadis été transpercé par quelque chose, probablement une balle d’un calibre redoutable, du 9 mm ou du 11,43, quelque chose dans ces eaux-là. Il s’éloigna vers le nord-ouest, suivant le petit torrent et gravissant la pente du Turquino, la dépouille du cochon en travers des épaules, et Ivy le suivit aussitôt.

Comme le chasseur suivait le cours d’eau plutôt que de couper à travers bois, Ivy ne risquait guère de le perdre de vue. Mais aussi bien il pouvait l’apercevoir s’il se retournait. Elle lui laissa prendre de l’avance. Mais soudain il avait disparu. Ivy se figea et tendit l’oreille. Il n’y avait pas de vent. Elle entendit bouger dans la végétation, à quelque distance, et alla de ce côté. Le chasseur progressait avec négligence, sans crainte ni précaution. Ivy, si elle avait été un astucieux pisteur dans un de ces westerns hollywoodiens qu’elle aimait, aurait aussi pu se guider sur les traces laissées par l’homme, car il brisait des branchages sur son chemin, et le porc tué saignait, striant de rouge le torse de l’archer, étoilant ici et là les pierres de la pente. Mais le bruit suffit à la jeune femme, et bientôt elle entrevit le chasseur entre les arbres, et dès lors elle demeura à une distance raisonnable de cet inconnu qui ne se retournait pas.

Après avoir progressé sur une pente de plus en plus raide, l’archer déboucha dans une minuscule éclaircie. Il déposa le cochon mort sur le sol. Ivy s’immobilisa derrière le tronc d’un pin.



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