La Porte by Sôseki

La Porte by Sôseki

Auteur:Sôseki [Natsume, Sôseki]
La langue: fra
Format: epub
Tags: littérature japonaise
Éditeur: Philippe Picquier
Publié: 2012-11-27T23:00:00+00:00


12

Ce matin-là, Sôsuke avait repris son service comme si de rien n’était, mais la vision des événements de la veille venait parfois flotter devant ses yeux, et le souci qu’il se faisait pour la santé de sa femme l’empêchait de se concentrer comme il l’aurait voulu sur son travail. Il commit même des étourderies inhabituelles. Il patienta jusqu’à midi, puis décida de rentrer chez lui.

Pendant le trajet en tramway, il imagina un scénario rassurant : Oyone s’était réveillée vers telle heure, ce long somme l’avait revigorée, aucune nouvelle crise n’était à craindre. Il avait pris le tramway à une heure inhabituelle et les voyageurs étaient peu nombreux, si bien qu’il n’avait nul besoin d’être attentif à son environnement immédiat, et contemplait en toute liberté les images qui se formaient dans sa tête. Il arriva ainsi au terminus.

Une fois devant la porte de sa maison, il se rendit compte qu’il régnait à l’intérieur un silence complet, comme s’il n’y avait personne. Il ouvrit la porte d’entrée, enleva ses chaussures, gravit la marche du vestibule, sans que personne vînt à sa rencontre. Sans passer par la véranda pour se rendre dans la salle à manger comme il faisait d’ordinaire, il ouvrit tout de suite les cloisons pour entrer dans le salon où dormait Oyone. Il constata qu’elle dormait toujours. Sur un plateau de laque rouge posé à son chevet se trouvaient un sachet de médicament en poudre et un verre à demi rempli d’eau, comme le matin quand il était parti. Oyone avait, elle aussi, gardé la même position depuis le matin : la tête tournée vers le tokonoma, la joue gauche et la naissance du cou légèrement enduit de moutarde à peine visibles. Comme le matin, elle était plongée dans un sommeil si profond que seule sa respiration semblait la rattacher au monde. Tout dans la pièce était resté entièrement conforme à l’image que Sôsuke avait emportée le matin même. Sans quitter son manteau, il se pencha au-dessus d’Oyone pour écouter un moment sa respiration. Elle n’avait pas l’air d’être sur le point de se réveiller. Sôsuke compta sur ses doigts le nombre d’heures écoulées depuis qu’elle avait pris son médicament, et une expression inquiète apparut finalement sur son visage. Jusqu’à la veille, c’étaient ses insomnies qui l’avaient inquiété, mais à la voir maintenant livrée si longtemps à l’inconscience du sommeil, il commençait à trouver anormal de dormir ainsi.

Posant la main sur le matelas, il secoua légèrement Oyone deux ou trois fois. Sa chevelure ondoya sur l’oreiller mais elle continua à dormir profondément. Il la laissa tranquille et se rendit dans la cuisine. Dans la cuvette posée dans l’évier trempait encore la vaisselle sale, des tasses à thé et des bols de laque. Il jeta un coup d’œil dans la chambre de Kiyo et la trouva endormie par terre à côté de la marmite de riz, un bol posé devant elle. Cette fois, il poussa la porte de la chambre de six nattes et passa la tête dans l’ouverture : Koroku y dormait, la tête cachée sous une couverture.



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