La Pierre de Tu-Hadj 2 by Alexandre Malagoli

Auteur:Alexandre Malagoli [Malagoli,Alexandre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy
ISBN: 9782253122302
Éditeur: Le Livre de Poche

2

La lumière entrait à flots par le plafond de cristal qui couvrait la terrasse. Lucas lui offrit son visage, la laissa l’inonder.

Agenouillé et assis sur ses talons, il se tenait parfaitement immobile. Depuis l’aube, ses mains étaient posées sur ses cuisses, son menton légèrement levé vers les cieux. Son dos droit, mais pas raide, n’était parcouru d’aucun signe de fatigue. Le fils des abysses savait qu’il aurait pu rester ainsi, en méditation, pendant des jours entiers. Même la vie bruyante d’un castel comme celui de Fael n’aurait pu le déconcentrer, s’il avait décidé de se noyer dans la perfection du So Kin.

Mais ce n’était pas son but. Les soucis de ses semblables, s’ils lui semblaient bien dérisoires lorsqu’il s’abandonnait ainsi à l’âme intérieure, le rappelaient pourtant au monde matériel. Il n’oubliait pas la mission qui lui avait été confiée, dès sa naissance, par le peuple des mers.

En contrebas, dans la clairière surplombée par cette terrasse, des bruits de pas et quelques mots échangés brisèrent le silence. Par un sourire – premier mouvement qu’il s’autorisait depuis des heures –, Lucas réagit à ces voix familières. Il se leva très lentement, d’un geste parfaitement souple, et se dirigea à pas mesurés vers la balustrade.

Quelques mètres sous lui, Oreste et Guajo s’installaient à l’ombre des arbres. Ils ne l’avaient pas encore remarqué.

Lucas les observa quelques instants : le Ménestrel tenait sa cordeline dans une main, et soutenait de l’autre la harpe sur pied que Guajo peinait encore à caler contre lui. Le bois lustré de l’instrument trouva enfin sa place sur le cœur de l’Arrucian, et Oreste s’assit à son tour, en face de lui.

Chaque matin, depuis qu’ils étaient de retour, les deux compagnons rejoignaient ce coin tranquille du parc. Ils amenaient leurs tabourets et leurs instruments, puis la leçon commençait… Oreste, s’acquittant d’une promesse faite à bord du navire qui les avait ramenés dans l’Ouest, enseignait la harpe à l’écuyer. Et la joie qui rayonnait sur le visage de Guajo suffisait presque à faire oublier l’ignominie de ses talents musicaux.

Alors que les premières notes s’élevaient, fraîches et gaies pour le Ménestrel, grêles et suraiguës pour son élève, Lucas toussota.

— Le bonjour, mes amis ! dit-il avec un signe de la main.

Ces derniers levèrent la tête dans sa direction. Avec un soulagement discret, Lucas apprécia que les doigts de l’Arrucian cessent de torturer le noble instrument.

Les deux hommes le saluèrent à leur tour, et l’invitèrent à les rejoindre. Le spirite ne voyait pas comment refuser…

— Je descends, capitula-t-il donc avec un sourire. Je ne voudrais surtout pas manquer les progrès de Guajo…

Descendant les marches de l’escalier, son sourire s’élargit affectueusement. Il avait pris goût à la compagnie des deux natifs du Sud. Ainsi, en dépit de quelques nuisances auditives, il se réjouissait toujours de passer un moment auprès d’eux.

Ensemble, ils discutaient de musique et de poésie, d’histoire et de littérature. Pendant quelques heures, l’art remplaçait dans leur esprit batailles et responsabilités. Tous trois échangeaient des propos futiles ou savants, oubliant pour un moment qu’il leur incombait de sauver l’humanité.

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