La nuit de saint-germain-des-prés by Léo Malet

La nuit de saint-germain-des-prés by Léo Malet

Auteur:Léo Malet [Malet, Léo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Publié: 1954-12-31T23:00:00+00:00


Chapitre VIII

LUEURS ET TRENTE-SIX CHANDELLES

SANS m’identifier totalement à lui, selon les lois mystérieuses de l’activité onirique, je rêvais que j’étais ce fameux voleur de montres, de l’époque héroïque de l’Ouest américain, je crois, dont le cheval s’était emballé à mort, affolé par le vacarme infernal que produisait, à ses flancs, le butin de son arnaqueur de maître. Moi, je donnais dans les réveille-matin. J’en possédais une ribambelle, réglés pour sonner les uns à la suite des autres. C’était un rêve idiot, qui me déplaisait. J’avais la vague sensation qu’à un moment quelconque de mon sommeil il s’y était introduit comme un voleur, lui aussi, chassant un autre rêve, délicieux celui-là, encore qu’imprécis. Impossible de faire taire cette diabolique horlogerie. Je me réveillai en poussant un juron retentissant, histoire de bien commencer la journée. Ou finir la nuit, car il faisait encore sombre. Les sonneries répétées poursuivaient leur musique. C’était le téléphone. Rien que le téléphone. Que le diable le patafiole. Il insista. Je me dégageai du drap de lit, allongeai le bras, saisis l’appareil d’une main incertaine et le portai à mon oreille en un geste mou, très mou. Je bredouillai un « allô » bâillé dans le micro, tout en jetant un coup d’œil au cadran lumineux de ma pendulette de chevet. Les aiguilles indiquaient deux heures trente. Mardi 21 juin. Non, mercredi 22. Depuis cent cinquante minutes. Cent cinquante minutes. Autant de minutes que valaient de millions les bijoux de la marquise de Forestier-Cournon, et 22, 22 v’la les flics, achtung, attention, beware, danger, acré ! Il ne s’était rien passé – ou presque rien – depuis que M. Grandier avait emporté le précieux lot de colifichets, quatre jours auparavant. Rien de fâcheux pour bibi n’était survenu, contrairement à mes craintes, mais peut-être était-ce pour maintenant. « Allô.

— Allô ? Nestor Burma ?

— Oui.

— Ici, Grandier.

— J’avais reconnu votre voix.

— C’est à mon tour de vous sortir du lit.

— Ah !

— J’ai besoin de vous.

— À cette heure-ci ?

— Vous serez défrayé. J’ai sous la main un certain nombre de billets de banque disponibles.

— Mais nous avons réglé nos comptes hier.

— L’argent que je vous offre vient en supplément.

— Et que me faudra-t-il faire pour le mériter ?

— Me débarrasser d’un colis.

— Un colis ? »

Ma main libre tâtonna à la recherche du bouton incrusté dans le socle de la lampe de chevet. La lumière faciliterait la compréhension. Trop brutale, la clarté me fit mal aux châsses. Ce fut tout.

« Oui, un colis, s’impatienta M. Grandier. Un colis particulièrement encombrant. Chez moi. Boulevard Raspail. Je ne puis en dire plus à l’appareil. Je compte sur vous ?

— J’arrive.

— Merci. »

Il raccrocha. Je raccrochai. Je sortis du lit. Je contemplai mes panards. Je me qualifiai sévèrement, très sévèrement. Personne ne me contraria. La nuit était chaude, calme, peu propice à discussion. J’adoptai la station verticale, encore tout ensommeillé. J’allumai toutes les calbombes possibles et filai vers la salle de bain me frictionner la physionomie d’un gant humecté d’eau tiède.



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