La musique en france depuis 1870 by Brigitte François-Sappey

La musique en france depuis 1870 by Brigitte François-Sappey

Auteur:Brigitte François-Sappey [François-Sappey, Brigitte]
La langue: fra
Format: epub
Tags: A_Poster, Essai, Musique, Littérature Française
Éditeur: Fayard
Publié: 2013-01-15T23:00:00+00:00


Autour de Pelléas

Pour obtenir le Grand Prix de Rome en 1884, l’élève de Guiraud laisse affleurer des traces de Gounod et de Massenet dans sa cantate L’Enfant prodigue. Deux ans plus tard, La Damoiselle élue, poème lyrique d’après Rossetti, troisième envoi de Rome, sera publié sous une couverture préraphaélite de Maurice Denis. Le compositeur s’attaque alors à son premier opéra : Rodrigue et Chimène, lourde « wagnérie » de l’infatué Catulle Mendès, qui aura raison de ses forces. Il les retrouve soudain lors de l’unique représentation, le 17 mai 1893, de Pelléas et Mélisande, drame du symboliste belge Maurice Maeterlinck, que Lugné-Poë donne aux Bouffes parisiens.

Au terme d’une très longue genèse, Pelléas et Mélisande, drame lyrique en cinq actes, accède à la scène le 28 avril 1902 à l’Opéra-Comique sous la direction d’André Messager, avec Mary Garden et Jean Périer, dans les décors de Lucien Jusseaume. Le succès remplace vite le scandale initial, mais peu d’œuvres ont fait couler autant d’encre. Chef-d’œuvre du symbolisme et du « bien-chanter français », l’allusif Pelléas diffère en tout point de Louise et de Tosca, les deux œuvres phares de l’année 1900. Cet anti-opéra résulte du coup de foudre que Debussy éprouva pour le drame de ses rêves, levant le voile sur le mystère des destinées, l’inanité de la raison, les angoisses souterraines. Depuis longtemps, le musicien espérait rencontrer « le poète qui dira les choses à demi (et) me permettra de greffer mon rêve sur le sien ». D’où une œuvre volontairement floue, incertaine, allusive, lointaine. Taillé par le compositeur lui-même dans la pièce de Maeterlinck, Pelléas s’inscrit dans la nouvelle catégorie de « l’opéra littéraire ». La prose poétique favorise les carrures irrégulières et la souple syllabisation aux intervalles conjoints d’un chant ténu. En dépit ou à cause de cette liberté, Debussy hésite : « Plus j’avance, plus j’ai de noires inquiétudes », « La scène des souterrains fut faite, pleine de terreur sournoise, et mystérieuse à donner le vertige aux âmes les mieux trempées », « J’ai passé des journées à la poursuite de ce rien dont elle [Mélisande] est faite ». Aux sources françaises se rattachent les cinq actes et la prosodie musicale aux faibles accents. En s’appuyant sur l’exemple de Moussorgski, Debussy parvient à réaliser son propre conseil de « chercher après Wagner et non pas d’après Wagner ». « Je ne suis pas tenté, explique-t-il, d’imiter ce que j’admire dans Wagner. Je conçois une forme dramatique autre : la musique y commence là où la parole est impuissante à exprimer ; la musique est écrite pour l’inexprimable ; je voudrais qu’elle eût l’air de sortir de l’ombre et que, par instants, elle y rentrât. »

Le critique Robert Kemp résume : « Nous étions prisonnier de Wagner et heureux sous de lourdes chaînes. Pelléas nous révéla, le même soir, notre esclavage et notre délivrance. » Ceux qui fuient Pelléas sont ceux-là mêmes qui fuient les tragédies en musique de Lully et Quinault dont les trop fines subtilités leur échappent.



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