La Mort n'est pas une terre étrangère by Allix Stephane

Auteur:Allix, Stephane [Allix, Stephane]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2016-06-02T16:00:00+00:00

Nous continuons l’expérience. Françoise quitte la pièce et, après une courte pause durant laquelle Henry reste en isolement complet, je fais entrer le second volontaire : ma propre mère. Je le redis, Henry ignore tout de l’identité des volontaires. Lorsque ma mère prend place dans la pièce, il ne sait même pas si je viens de faire entrer un homme ou une femme. Et là, de nouveau, très vite, Henry décrit spontanément ce qui ressemble aux circonstances de la mort de mon frère.

— J’ai du mal à comprendre ce que j’entends… le bruit d’une déflagration, quelque chose de fort, le défunt m’entraîne dans des régions de montagnes, de vallées. Peut-être que la personne [derrière la cloison] a eu un proche qui est décédé dans une région comme ça, ou qui habitait là-bas…

Je regarde ma mère, je réponds.

— Oui.

— D’accord, j’entends cette déflagration, la personne comprend-elle quelque chose par rapport à ça ? Quelque chose de brutal, on dirait une vitre qui explose ou un coup de feu…

Le côté où était assis Thomas dans la voiture a été enfoncé lors des tonneaux, toutes les vitres ont été détruites.

— Oui.

— C’est comme si l’esprit me faisait comprendre qu’il y avait eu une mort subite et violente. C’est bizarre, l’esprit me fait comprendre ça… ça vibre, quelqu’un qui est parti violemment.

— Oui.

— Il n’a pas eu le temps de souffrir… j’ai vraiment la tête bizarre, j’ai l’impression d’avoir un choc à la tête, lié au défunt, au décès… une douleur violente.

Thomas avait une blessure importante à la tête… Je ne peux m’empêcher d’être à nouveau frappé, Henry n’a pas hésité, il s’est lancé en quelques minutes dans une description qui colle vraiment avec le volontaire invisible derrière la cloison. Comme il l’avait fait juste avant avec Françoise. C’est assez inimaginable, surtout si l’on considère le scénario complètement différent qu’il a développé dans les deux cas. Dans le premier, une longue maladie, un cancer, vécu par une femme — ce qu’il nous a décrit. Et puis là, un accident dans un endroit vallonné, du bruit, de la violence, un choc à la tête. Cas si différents et pourtant comptes rendus si explicites.

La suite de l’expérience est à l’avenant : longue description de détails, de traits de caractère propres à Thomas. Toutefois, cette séance comporte moins d’éléments objectivement probants — en dehors de la description de l’accident et de la personnalité de Thomas. Ce qui est déjà énorme compte tenu du fait, ne l’oublions pas, qu’Henry ignore tout de la personne assise derrière la cloison. Les autres éléments donnés par Henry nous parlent, à ma mère comme à moi, mais à la relecture il s’agit plus d’observations, de remarques personnelles qui, dans le cadre rigoureux de cette expérience, ne peuvent être comptabilisés comme des faits objectifs avérés. Même si nous sommes soufflés à plusieurs reprises par ce qui est dit, je ne m’étendrai pas dessus dans la mesure où ces éléments n’ont pas le caractère indépendamment vérifiable de ceux que je cite par ailleurs. C’est

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