La maladie de l'islam by Abdelwahab Meddeb

La maladie de l'islam by Abdelwahab Meddeb

Auteur:Abdelwahab Meddeb [Meddeb, Abdelwahab]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Religion
ISBN: 9782021069150
Éditeur: Seuil
Publié: 2011-10-11T22:00:00+00:00


Ainsi se conçoit l’empire total de la religion sur la société et les humains qui la composent. La démocratie, la sécularisation, la laïcité, l’État-nation, tous les apports de l’Occident moderne s’avéreront définitivement illégitimes. Tel est le programme. Faut-il préciser que Mawdûdi insistait pour que cette révolution s’opérât par des moyens pacifiques, par la persuasion, par le dialogue respectueux avec les croyants des deux autres religions révélées ? C’est une précision qui ne sert de rien lorsqu’on mesure la violence avec laquelle agissent ceux qui se réclament de cette idéologie. En outre, dans le dialogue que Mawdûdi appelle de ses vœux, aucune place n’est accordée aux croyances qui ne se sont pas édifiées sur le sol monothéiste. Il ne reconnaît pas même le statut d’interlocuteurs aux bouddhistes qui peuplent son environnement immédiat, alors que, pour un Pakistanais, ceux qui vouent un culte au Bouddha devraient constituer une altérité interne à sa sphère culturelle.

D’ailleurs, peut-on aménager une place à l’autre, dans un système aussi total ? Peut-on retrouver la vérité du monde et se confronter à l’hétérogénéité et à la diversité qui en colorent le rugueux relief lorsqu’on limite une religion à un mode de vie aussi exclusif et intégral ? Conserve-t-on encore vives les fibres de l’émotion et du sentiment pour être capable d’aimer et de vibrer aux beautés léguées par les multiples peuples d’islam à travers la variété de leur apport historique ? Comment jouir du passé et du présent lorsqu’on parvient à la conclusion que l’unique islam qui s’est conformé à la souveraineté de Dieu est celui de Médine et des quatre premiers califes ? Dans ce théocentrisme forcené, absolu, jamais aussi radicalement pensé dans la tradition, le monde se transforme en un cimetière. Si Mawdûdi reproche à l’Occident la mort de Dieu, on peut l’accuser d’avoir instauré la mort de l’homme. Son système délirant invente un totalitarisme irréel, qui excite les disciples et les incite à semer la mort et la destruction sur tous les continents. Voilà à quelle négation de la vie, à quel nihilisme conduit la raison théorique lorsqu’elle n’est pas soumise au contrôle de la raison pratique. Du reste, le jugement que je porte sur une telle œuvre reste dans l’esprit des critiques adressées à Mawdûdi (huit années après sa mort) par son disciple le plus proche, Mariam Jameelah, une Juive américaine qu’il avait convertie9.

Cette vision radicale et terrifiante instaure une table rase et transforme le monde en désert postatomique dont on retrouve les paysages désolés, où que l’on jette son regard, sur les pages noircies par Sayyid Qutb : tout est défaillant dans l’histoire de l’humanité comme dans son actualité, toute pensée, toute représentation est si insuffisante qu’elle mérite l’abolition ; tout doit disparaître, sauf la parole de Dieu telle qu’elle est rapportée dans son Coran. Par le verbe incarné en livre, le monde connaîtra « la libération de l’homme », plus encore « sa vraie naissance » ; après s’être soumis à l’asservissement que réclame la souveraineté de Dieu, après s’être mis au



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