La maison aux esprits by Inconnu(e)

La maison aux esprits by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Publié: 2013-01-16T02:00:00+00:00


Séparée de sa fille avec laquelle elle avait toujours été si unie, Clara connut alors une autre de ses périodes de trouble et d’abattement. Elle continua de mener la même vie qu’auparavant, tenant la grande maison toujours ouverte à une foule de gens, avec ses réunions de spirites et ses soirées littéraires, mais elle perdit toute disposition à rire spontanément et on la voyait souvent rester là à regarder droit devant elle, perdue dans ses pensées. Elle tenta d’instaurer avec Blanca un système de transmission directe qui permît de pallier les retards du courrier, mais la télépathie ne marchait pas toujours et on ne pouvait jamais être sûr de la bonne réception du message. Elle fut à même de constater que ses communications étaient brouillées par des interférences incontrôlables et qu’on entendait tout autre chose que ce qu’elle avait voulu transmettre. Au surplus, Blanca n’était pas très portée sur les expériences psychiques et bien qu’elle se fût toujours sentie très proche de sa mère, jamais elle n’avait montré la moindre curiosité pour les phénomènes mentaux. C’était une femme pratique, terre à terre et méfiante et son tempérament moderne et pragmatique était un grave obstacle à la télépathie. Clara dut se résigner à recourir aux procédures conventionnelles. Mère et fille s’écrivaient presque chaque jour et leur correspondance nourrie remplaça pendant plusieurs mois les cahiers de notes sur la vie. Ainsi Blanca, informée de tout ce qui se produisait à la grande maison du coin, pouvait se bercer de l’illusion de vivre encore aux côtés des siens et que son mariage n’était rien de plus qu’un mauvais songe.

C’est cette année-là que les chemins de Jaime et de Nicolas s’éloignèrent irrémédiablement l’un de l’autre, les différences entre les deux frères s’avérant inconciliables. Nicolas s’était alors entiché de flamenco qu’il prétendait avoir appris à danser auprès des gitans des bas-fonds de Grenade, bien qu’il n’eût en réalité jamais mis les pieds hors du pays, mais tel était son pouvoir de conviction qu’on se prenait à en douter jusqu’au sein de sa propre famille. À la moindre incitation, il donnait une démonstration. Il sautait sur la table de la salle à manger, la grande table de chêne dont on s’était servi pour veiller Rosa, nombre d’années auparavant, et que Clara avait reçue en héritage, et il se mettait à battre des mains comme un dératé, à taper du pied spasmodiquement, à faire des bonds et à pousser des cris stridents jusqu’à ce qu’il fût parvenu à attirer tous les habitants de la maison, quelques voisins et, en certaine occasion, les carabiniers eux-mêmes, lesquels débarquèrent toutes matraques brandies, maculant de boue les tapis avec leurs bottes, mais finirent comme tous les autres par applaudir en criant « olé ». La table résista héroïquement, quoiqu’elle eût au bout d’une semaine l’apparence d’un plateau de boucherie usé par le dépeçage des veaux. Le flamenco n’avait guère d’utilité pratique dans la société fermée de la capitale à cette époque, mais Nicolas passa une discrète annonce dans le journal pour proposer ses services comme maître à danser ce pas fougueux.



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