La loi du plus fort by Luc Blanvillain

Auteur:Luc Blanvillain [Blanvillain, Luc]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Casterman Jeunesse
Publié: 2019-08-31T16:00:00+00:00

31 JUILLET

* * *

Elle n’en peut plus, de leur danse. Elle n’en peut plus d’eux. Ils sont descendus à Lodève pour rencontrer les producteurs de l’émission. Elle a refusé de les accompagner.

Elle a marché dans la forêt, jusqu’à ce que la musique s’efface dans l’air bleu. En revenant, elle s’arrête sur la tombe de Ptyx. Rien ne s’y passe, et ça aide à penser. À ruminer, plutôt, à remâcher. Zoé leur prépare une surprise. Ce qui implique de leur cacher certaines choses. Mathéo ignore comment Charles est devenu infirme. Et Zoé ?

Zoé ment bien. Elle dissimule. Plusieurs fois, elles se sont retrouvées seules, toutes les deux. En tête à tête. Sans Mathéo, jamais Léna n’aurait soupçonné que la jeune femme leur préparait cette fameuse surprise. Elle semble si lisse. À part cette gifle et les quelques larmes qu’elle verse quand il est question de son oncle, rien ne transparaît sous la surface.

À part, aussi…

Léna se concentre.

Le bref moment de contrariété quand elle a surpris Léna en train d’essayer d’ouvrir le tiroir. Contrariété vite maîtrisée.

Léna secoue la tête. Ce ne sont que des spéculations. La seule certitude, c’est que Ptyx est là-dessous, en train de se décomposer. Des images lui viennent.

Elle marche, au hasard, fuit cet endroit, accélère, se met à courir.

Elle ne sait pas pourquoi elle court. Peut-être parce que ça fait du bien. Peut-être pour échapper à tout ça. Ses muscles protestent, chauffent, brûlent, c’est délicieux.

Elle s’arrête.

Elle a vu quelque chose.

Pas vraiment vu, pas eu le temps, un éclat entre deux troncs d’arbre, un reflet dans le défilement du paysage, une brillance accrochée du coin de l’œil. Elle souffle, ça gronde dans ses veines et dans son crâne, un vacarme d’éruption, elle souffle, ça se calme un peu.

Demi-tour, quelques pas prudents. Elle s’aperçoit qu’elle s’est accroupie pour se cacher derrière un buisson piquant et parfumé. Elle lève la tête, jette un œil.

Le reflet, à nouveau. Un éclat noir. Le soleil reflété dans la carrosserie du 4 × 4.

Il est là, garé. Le 4 × 4 de Norman.

Elle plisse les yeux, tente de mieux comprendre ce qu’elle voit.

D’abord, elle perçoit un mouvement derrière la vitre arrière. Il y a quelqu’un à l’intérieur. Elle se penche un peu. Elle est trop loin pour bien discerner les détails, mais l’idée de se rapprocher lui ramollit les jambes. Ses cuisses tremblent, à cause de la course, sans doute. Un pas, quand même, puis un autre.

Elle progresse à croupetons. Ici, le hallier est dense, la forêt la protège, elle avance, payant son tribut aux épines, aux branches de noisetier, flexibles et dures, qui la fouettent au passage. Elle pense à la flèche polynésienne, à la joie de Ptyx quand il la rapportait en remuant la queue.

Nouveau coup d’œil, prudent. Elle est beaucoup plus près. Trop, peut-être.

Un flot acide lui remonte dans la gorge. C’est le chien, qui est derrière la vitre. Il l’a vue et la fixe. Il aboie, dévoilant ses crocs jaunes, mais elle n’entend rien. Elle se cache.

Fureur, haine et panique mêlées. Norman n’est pas dans la voiture, ou elle ne l’a pas vu.

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