La Légende du roi Arthur - Tome III - Le chevalier à la charrette Le château aventureux by Jacques Boulenger

La Légende du roi Arthur - Tome III - Le chevalier à la charrette Le château aventureux by Jacques Boulenger

Auteur:Jacques Boulenger [Boulenger, Jacques]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans Historique
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2016-07-30T22:14:58+00:00


XVII

La fontaine envenimée

Vers midi, ils parvinrent dans une prairie. Là, au bord d’une belle fontaine, à l’ombre d’un bouquet d’arbres, un chevalier et deux pucelles assis autour d’une blanche nappe mangeaient en tenant de gais propos. Ils se levèrent et invitèrent la vieille et son compagnon à se rafraîchir, qui tous deux acceptèrent volontiers.

Il faisait grand chaud et Lancelot était tout rouge, sous son heaume : aussi, quand il l’eut ôté, se trouva-t-il plus beau que jamais. L’une des demoiselles, qui était sœur du chevalier, et si avenante elle-même qu’elle n’avait pas sa rivale dans tout le pays, se mit à le considérer durant qu’il mangeait, et, à voir sa bouche vermeille comme une cerise, elle en eut soudain une telle envie qu’elle ne savait que faire. Elle regardait ses yeux qui lui semblaient deux claires émeraudes ; son front lisse, sa chevelure blonde et ondulée qui paraissait d’or foncé ; et cependant amour la blessait si rudement qu’elle frémissait de tout son corps. Le chevalier son frère, la voyant tout à coup pâle et morne, lui demanda ce qu’elle avait. Elle lui répondit, qu’elle se sentait malade, mais qu’elle guérirait bientôt, s’il plaisait à Dieu.

Cependant, Lancelot, qui avait grand soif, trouvant l’eau de la source bonne et froide, en puisait dans une coupe d’or et il en buvait tout son content. Et voilà que, tout à coup, les yeux lui tournèrent dans la tête et qu’il sentit une grande douleur au cœur : il tomba gisant comme mort.

– Sainte Marie ! s’écria la vieille en pleurant, laisserez-vous trépasser ainsi monseigneur Lancelot du Lac, le meilleur chevalier du monde ?

Comme elle parlait, deux longues et hideuses couleuvres sortirent de l’eau, puis y rentrèrent.

– Douce amie, dit le chevalier à sa sœur, la fontaine est envenimée ! Vous qui savez les vertus des herbes mieux que personne au monde, ne secourrez-vous pas monseigneur Lancelot ?

Déjà, les jambes du malade étaient aussi grosses que le corps d’un homme. Mais la pucelle cueillait de bonnes herbes. Elle les pila avec le pommeau de l’épée de Lancelot dans la coupe même où il avait bu, et, joignant de la thériaque, elle lui ouvrit la bouche et lui fit avaler du mélange ce qu’elle put. Aussitôt le corps enfla comme un tonneau. Ce que voyant, la demoiselle craignit que le venin ne montât sur le cœur : elle fit couvrir Lancelot de toutes les couvertures, de toutes les robes qu’on put trouver et qu’elle envoya chercher dans une maison voisine. Et ainsi demeura-t-il jusqu’au lendemain, souffrant plus encore de la chaleur que du venin, suant à force, incapable de remuer et de parler, et pensant à sa dame et au chagrin qu’elle aurait de sa mort, plus qu’à lui-même.

On avait dressé un pavillon pour l’abriter, et la vieille, les demoiselles, le chevalier et ses gens le veillèrent toute la nuit. Le lendemain, environ midi, on l’entendit enfin murmurer :

– Dieu ! cette chaleur me tue !

– Béni soit Notre Sire qui vous donne le pouvoir



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