La Guerre de Troie n'aura pas lieu by Jean Giraudoux

La Guerre de Troie n'aura pas lieu by Jean Giraudoux

Auteur:Jean Giraudoux [Giraudoux, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Téâtre
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2011-02-21T04:00:00+00:00


SCÈNE CINQUIÈME

LES MÊMES, PRIAM, HECTOR, puis ANDROMAQUE, puis HÉLÈNE.

Pendant la fermeture des portes, Andromaque prend à part la petite Polyxène, et lui confie une commission ou un secret.

HECTOR. – Elle va l’être.

DEMOKOS. – Un moment, Hector !

HECTOR. – La cérémonie n’est pas prête ?

HÉCUBE. – Si. Les gonds nagent dans l’huile d’olive.

HECTOR. – Alors ?

PRIAM. – Ce que nos amis veulent dire, Hector, c’est que la guerre aussi est prête. Réfléchis bien. Ils n’ont pas tort. Si tu fermes cette porte, il va peut-être falloir la rouvrir dans une minute.

HÉCUBE. – Une minute de paix, c’est bon à prendre.

HECTOR. – Mon père, tu dois pourtant savoir ce que signifie la paix pour des hommes qui depuis des mois se battent. C’est toucher enfin le fond pour ceux qui se noient ou s’enlisent. Laisse-nous prendre pied sur le moindre carré de paix, effleurer la paix une minute, fût-ce de l’orteil !

PRIAM. – Hector, songe que jeter aujourd’hui la paix dans la ville est aussi coupable que d’y jeter un poison. Tu vas y détendre le cuir et le fer. Tu vas frapper avec le mot paix la monnaie courante des souvenirs, des affections, des espoirs. Les soldats vont se précipiter pour acheter le pain de paix, boire le vin de paix, étreindre la femme de paix, et dans une heure tu les remettras face à la guerre.

HECTOR. – La guerre n’aura pas lieu !

On entend des clameurs du côté du port.

DEMOKOS. – Non ? Écoute !

HECTOR. – Fermons les portes. C’est ici que nous recevrons tout à l’heure les Grecs. La conversation sera déjà assez rude. Il convient de les recevoir dans la paix.

PRIAM. – Mon fils, savons-nous même si nous devons permettre aux Grecs de débarquer ?

HECTOR. – Ils débarqueront. L’entrevue avec Ulysse est notre dernière chance de paix.

DEMOKOS. – Ils ne débarqueront pas. Notre honneur est en jeu. Nous serions la risée du monde…

HECTOR. – Et tu prends sur toi de conseiller au Sénat une mesure qui signifie la guerre ?

DEMOKOS. – Sur moi ? Tu tombes mal. Avance, Busiris. Ta mission commence.

HECTOR. – Quel est cet étranger ?

DEMOKOS. – Cet étranger est le plus grand expert vivant du droit des peuples. Notre chance veut qu’il soit aujourd’hui de passage dans Troie. Tu ne diras pas que c’est un témoin partial. C’est un neutre. Notre Sénat se range à son avis, qui sera demain celui de toutes les nations.

HECTOR. – Et quel est ton avis ?

BUSIRIS. – Mon avis, princes, après constat de visu et enquête subséquente, est que les Grecs se sont rendus vis-à-vis de Troie coupables de trois manquements aux règles internationales. Leur permettre de débarquer serait vous retirer cette qualité d’offensés qui vous vaudra, dans le conflit, la sympathie universelle.

HECTOR. – Explique-toi.

BUSIRIS. – Premièrement ils ont hissé leur pavillon au ramat et non à l’écoutière. Un navire de guerre, princes et chers collègues, hisse sa flamme au ramat dans le seul cas de réponse au salut d’un bateau chargé de bœufs. Devant une ville et sa population, c’est donc le type même de l’insulte.



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