La griffe de feu by Henri Vernes

La griffe de feu by Henri Vernes

Auteur:Henri Vernes [Vernes, Henri]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
Publié: 1954-01-26T23:00:00+00:00


Chapitre IX

La panique avait gagné Bomba. Elle avait commencé dans les campagnes, lorsque les laves incendiant les cultures avaient atteint la limite des terres cultivées. De nombreux indigènes et trois planteurs européens, surpris par l’incendie, avaient péri carbonisés. D’autres, fuyant devant l’avance d’une des coulées, s’étaient noyés au passage d’une petite rivière dont les eaux étaient soudain devenues bouillantes.

Peu à peu, des réfugiés affluaient vers la ville, y semant la terreur. La cendre, expulsée par le Kalima à raison de plusieurs milliers de mètres cubes à la seconde, formait à présent un épais nuage noir qui, lentement, descendait sur la contrée, tel un voile de mort, cachant le soleil, et créant un perpétuel crépuscule.

La terreur grandissait, encore accentuée par le fait que huit lions, chassés par les incendies de brousse, étaient apparus dans la ville elle-même. Deux d’entre eux avaient été abattus, mais les autres, à la fois affamés et effrayés, continuaient à rôder. Un peu partout, on signalait ainsi l’apparition de groupes d’animaux ; hardes de gorilles chassés des forêts de bambous, troupeaux d’éléphants dévastant les cultures en bordure du lac. Aux dires des témoins, beaucoup portaient des traces de brûlures sur leur peau épaisse.

Le flot humain grossissait sans cesse, en un double flux, à la fois montant et descendant. Il y avait ceux, pour la plupart des Noirs et des colons, qui fuyaient devant les laves, et les citadins voulant échapper aux gaz mortels qui pouvaient se dégager si le magma en fusion atteignait le fond du lac. Peu à peu, Bomba se vidait, tandis qu’à l’ouest, sur les hauteurs, des feux de camps s’allumaient de plus en plus nombreux. Le bruit courait en effet que, si l’hydrogène sulfuré se dégageait, il demeurerait à stagner dans les parties basses du pays.

Cependant, des milliers de personnes, pour la plupart des Noirs, soit par inertie, soit par ignorance ou incompréhension, demeuraient en ville, mettant ainsi leurs propres vies en danger. Dépassée par les événements, l’Administration coloniale ne parvenait pas à maintenir l’ordre, et l’anarchie commençait à se rendre maîtresse de cette cité blanche et noire dominée par la peur.

À travers toute la contrée, les nouvelles les plus contradictoires circulaient. Selon certains, habitant à l’autre extrémité du lac, les laves avaient déjà atteint la route longeant la rive et Bomba était menacée d’asphyxie dans les très prochaines heures. Pour d’autres, le danger n’existait pas et toute cette histoire de gaz mortels était seulement une manœuvre amorcée par certains colons désireux de mettre la main sur les concessions de leurs voisins en fuite.

Et pendant ce temps, la gigantesque griffe de feu descendait lentement de la montagne, comme si elle avait voulu balafrer le miroir tranquille du lac M’Bangi.



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