La grande épreuve by Etienne de Montety

Auteur:Etienne de Montety
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Stock
Publié: 2020-04-23T07:16:58+00:00

Depuis qu’il est à la Brigade, sa vie se résume presque tout entière à l’étage de l’hôtel de police auquel on accède avec un badge. C’est devenu sa deuxième maison.

– Sa première, oui !

Audrey le raille. Pas méchamment, c’est sa façon de le ramener à la réalité. Elle accepte les contraintes de son métier, ses absences. Mais quand il est à la maison, elle voudrait qu’il y soit vraiment. Or souvent, Frédéric semble lointain, détaché.

– Sais-tu où est la crèche de ton enfant ?

L’honnêteté oblige à admettre qu’il n’est jamais allé le chercher. Il a constamment la tête à l’hôtel de police. Il passe le plus clair de son temps dans ce bâtiment de béton et de verre, veillant à tout, la préparation du matériel, l’entraînement de son équipe. Pour le quidam de passage, les lieux pourraient ressembler à un capharnaüm. Un entrepôt où le matériel de varappe voisine avec celui du maître-chien, dans des armoires remplies à ras bord. Et au mur, sur des affiches fixées aux portes des armoires métalliques, cet humour vigoureux que l’on retrouve dans l’armée ou dans un vestiaire de rugby ; le monde des hommes. Les gars y vivent, apparemment décontractés, réunis autour d’un café dans la cuisine du service, s’interpellant en se lançant des plaisanteries. Un quart d’heure plus tard, équipés, ils peuvent se jeter dans leurs voitures pour une filature, une « filoche », ou à la poursuite d’un « go fast » chargé de drogue ou de marchandise de contrebande. L’autoroute vers l’Espagne est toute proche.

Chaque jour apporte son lot d’événements imprévisibles à la BRI. Quelle mouche a piqué cet homme qui jetait les meubles de son appartement depuis le cinquième étage, en brandissant une arme de poing, campé sur son balcon : il a fallu plusieurs heures pour raisonner ce déséquilibré avant de le remettre aux pompiers qui l’ont conduit à l’hôpital psychiatrique. Diagnostic : plus fou que dangereux. Mais ça, c’est toujours facile à dire après. Frédéric n’avait qu’une idée en tête : sécuriser la crèche, au rez-de-chaussée de l’immeuble. Ses collègues de la sécurité publique avaient confiné les enfants à l’intérieur. Des enfants à peine plus âgés que le sien. Ils ne se doutaient de rien. Peut-être les plus perspicaces avaient-ils observé une agitation un peu inhabituelle dehors… Tout s’est bien fini. « Protéger, servir ». Au fond, Frédéric aime bien cette devise qui n’est ni guerrière, ni ronflante mais une promesse concrète.

Frédéric dirige une équipe de sept hommes. Il a appris à jauger les qualités et les travers de chacun, connaît les soucis de l’un, le prénom du petit dernier de l’autre. Avec eux, il aime cette vie sans agenda où l’inattendu dicte sa loi. Ses amis s’en étonnent quand il leur raconte une journée type de flic à la BRI.

– Tu en parles comme d’un grand jeu.

Pour définir son métier, Frédéric Nguyen répond avec un sourire : « Prestataire de services ». Bien vu : la BRI intervient à la demande. Voyous, braqueurs, dealers, terros, Frédéric et ses hommes arpentent le mauvais côté du trottoir.

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