La Force by Histoire

La Force by Histoire

Auteur:Histoire [Histoire]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Historical fiction, Napoleonic Wars, 1800-1815 -- Fiction
Publié: 2008-12-18T23:00:00+00:00


XIII

On marcha vers les Allemagnes à travers la Picardie plantureuse, la verte Argonne, les montées de Lorraine. Les escadrons s'enveloppaient de poussière. On buvait les ruisseaux. Aux portes des auberges, les officiers fraternisèrent: «En route pour la gloire.—Bellone nous appelle.—Où couche l'état-major de la division? À Verdun.—Tu marches sous Baraguey-d'Hilliers?—Et toi?—Sous Bourcier.—Moi, sous Beaumont.—Les généraux Klein et Walther nous suivent.—Qu'allez-vous chercher au Danube?—Un grade.—De la gloire!—De l'inconnu.—La fortune.—On dit que l'Empereur dotera les chevaliers de la Légion d'honneur.—De combien?—Cela dépendra des contributions de guerre.—La fortune ou la mort!—Bien dit, mon cousin.» Bernard s'intéressait au lieutenant Gresloup, pâle comme M. de Constant de Rebecque, et qui portait aux doigts des pierres précieuses, aux breloques des camées admirables. Encore que depuis plusieurs mois ils vécussent ensemble pour les manœuvres, les repas et la débauche, rien ne se décélait de cette âme qu'on voulut croire tragique, en dépit de vivaces attitudes. L'élégiaque chef d'escadron l'attirait à soi. Ils chevauchaient botte à botte, de longues heures, sans rien faire, l'un que soupirer, l'autre que regarder haineusement la nature. Gresloup regrettait qu'on se détournât de l'Angleterre. Il demanda les moyens de permuter afin de franchir le détroit en compagnie du corps expéditionnaire. Héricourt et le colonel l'avertirent que tout marchait vers l'Autriche. Payés soixante millions par Pitt, les Russes et les Impériaux se coalisaient pour la troisième fois. Leurs troupes menaçaient les territoires de l'Electeur de Bavière, notre allié, semblaient vouloir franchir l'Inn pour pénétrer ses Etats. On se battrait encore sur les rives du Danube et dans les forêts bavaroises. «Tu verras, mon cousin, les jolies filles. Des cils sombres sur des yeux clairs…—Comme les filles du pays de Galles, laissa-t-il échapper.—Ah! ah! vous fûtes galant avec les Galloises, Monsieur, insinua l'élégiaque?» Gresloup ne répondit point, mais il montra une tabatière de vermeil qui enchâssait la miniature ovale d'une jeune femme au teint rosé; de grands yeux gris souriaient mieux que sa bouche minuscule. «Moi, dit Bernard, j'ai une petite fille dont les yeux ressemblent à ceux-ci, mais un peu plus bleus.—Mme Héricourt a les yeux de sa fille, rappela le colonel.—Et ceux de son petit-neveu, Edouard de Praxi-Blassans… Dis-moi, cousin, qu'as-tu fait de ta Galloise?—Un mari jaloux la tient enfermée dans une maison de leur pays; il la tue lentement de ses reproches.—Avouez qu'il vous a surpris.—Oui… J'espérais la revoir outre-mer avec l'aide de l'Empereur.—Hélas!…Hélas!…» Le jeune homme pâlit tant que l'élégiaque tendit le bras pour le soutenir, et cette défaillance étonna les officiers. «Comme il l'aime!—Ah! les yeux clairs, les yeux clairs!…» soupira Bernard, qui pensait à Aurélie, dont le fils gardait le regard de la fillette bavaroise prise à Mœsskirch. Il chercha des raisons singulières qui le satisfissent. Un jour, Edouard aimerait Denise. Les yeux clairs se promettraient aux yeux clairs. Verrait-il ce jour-là? Verrait-il la joie d'Aurélie? Vivraient-ils, par ces enfants, ce qu'ils n'avaient pu vivre, eux, de leur tendresse? Eprouveraient-ils cet amour attendu par leurs deux cœurs, comme il goûtait aux lèvres de Virginie l'âme secrète de la sœur?



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.