La Forêt d'Apollinaire by Christian Libens

La Forêt d'Apollinaire by Christian Libens

Auteur:Christian Libens
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Weyrich
Publié: 2014-11-15T00:00:00+00:00


18

Spa, juillet 1969

L’orage continue à gronder du côté de Malchamps.

Il est une heure passée. L’infirmière de nuit vient de pousser son œil inquisiteur. Elle a eu une moue d’institutrice.

— Pas encore au lit, monsieur Pierre ? Vous n’êtes pas raisonnable ! Demain, vous ne saurez pas vous lever…

J’ai bougonné :

— C’est à cause de l’orage…

— À votre âge ! vous n’allez pas me raconter que vous avez toujours peur de l’orage !

— Au contraire, mademoiselle, je reste éveillé pour en profiter vraiment ! J’ai apprivoiséles oragesdèsmajeunesse. Alors, laissez-moi donc jouir tranquillement de celui-ci !

Elle me lance un regard vexé puis tourne les talons, non sans répéter que je devrais dormir.

Dormir ? Eh ! pour quoi faire, grand Dieu ? Comme si on avait encore le temps de dormir à mon âge ! C’est un avantage de la vieillesse : je n’ai plus besoin de sommeil. Mes rêveries devant la page blanche remplacent avantageusement les nuits gonflées de cauchemars que, si longtemps, j’ai traversées. Déjà durant l’adolescence, ces cauchemars peuplaient mon sommeil.

Lors de ce fameux été 1899, je me souviens que Wilhelm m’avait confié en être victime, lui aussi, et qu’il en influençait le cours par l’écriture.

— C’est une caractéristique fréquente chez les natifs de la Vierge ! avait-il ajouté, comme une révélation.

Les natifs de la Vierge… Wilhelm et moi, nous sommes nés le même jour.

Est-ce que cela compte ? Est-ce que cela signifie quelque chose ? Je tiens volontiers les démonstrations astrologiques pour des enfantillages de vieilles femmes, mais je ne peux m’empêcher d’être un peu troublé par cette communauté de date.

Non, « troublé » n’est pas le mot juste ; je devrais plutôt écrire « amusé ». Amusé et rasséréné, comme si ce clin d’œil du temps devait me rapprocher naturellement de mon ami, comme si notre amitié avait été conçue de toute éternité…

Relecture.

J’ai envie de ricaner de cette vantardise de vieillard. Ô orgueil ! Décidément, je maniais mieux le pinceau que la plume ! Si Wilhelm devait me lire, peu de mes phrases trouveraient grâce à ses yeux.

Me concéderait-il seulement le mot « ami » ?

Pourtant, amis, nous l’avons été. Et si notre amitié n’a duré que quelques semaines (l’expression rose « qu’un seul été » conviendrait à merveille !), elle a été…

Elle a été !

Pour nous, les « barons russes » étaient tombés de la lune… De merveilleux martiens ensorceleurs !

Nous, à dix-neuf ans, nous étions des jeunes gens à la fois mûrs et naïfs. Et même si Maria m’appelait « Pierre le rêveur », les membres de notre petite société (notre bande, dirait-on aujourd’hui) étaient tous encore bien innocents.

C’est alors que Wilhelm est entré dans nos vies…



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