La femme chez les garcons by Galzy Jeanne

La femme chez les garcons by Galzy Jeanne

Auteur:Galzy, Jeanne [Galzy, Jeanne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
Éditeur: Alienor - TAZ
Publié: 1924-12-29T23:00:00+00:00


DEUXIÈME PARTIE

Octobre 1916. – Juillet 1917.

Impressions d’octobre.

Comme Paris était doux par cette fin de septembre où, dans le ciel vaporeux, nageait encore un or attardé ! Mais j’ai dû quitter la ville de mon choix, et, comme les soldats, regagner le lieu où était ma tâche. Pour la seconde fois, je sais que l’été s’achève au premier octobre, l’été et la nature, et l’indépendance intérieure, et tout ce qui rend les vacances une chose précieuse et comme imbibée de soleil.

Là, dans l’ouverture des arceaux du cloître, j’ai retrouvé le grand tilleul, le grand tilleul pareil à l’arbre édénique auprès duquel, au lieu de l’Ève incertaine, se dessinent les silhouettes à lignes droites de mes collègues rassemblés. Pas tous et, parmi eux, deux seuls dont je connais les noms. Les autres sont mes anonymes compagnons de labeur, que je salue de loin en répondant à leur salut lointain.

Ils sont pour la plupart proches de la retraite. Au bout de leur bras pend la serviette résignée, fardeau symbolique qui a l’air de faire corps avec leur corps, d’être leur attribut aussi indispensable que le paon de Junon ou les foudres de Zeus, et que j’évite de porter, roulant mes copies, dissimulant les livres minces dans les poches de mon manteau, en attendant l’hiver où mon manchon leur prêtera son abri. Dernière coquetterie peut-être, mais qu’ils ne remarquent pas, eux parmi lesquels je ne suis que l’intérimaire amenée là par les désordres de la guerre, pas la collègue véritable, la remplaçante seulement. Cette situation crée entre nous un écart qu’expliquent aussi nos différences de vie. Je suis une femme seule, alors qu’eux tous ont un foyer. Je suis « en proie aux garçons » dont eux sont les maîtres, eux que le métier n’envahit plus et qui savent mieux que moi, ignorante devant tant d’inconnu, ce qu’ils veulent faire et la manière de l’atteindre.

Comme ils s’étonneraient sans doute, puisqu’ils sont arrivés au calme des certitudes, si je leur racontais mes indécisions, mes curiosités, mon incapacité de me réserver moi-même à moi-même, de ne pas me laisser happer par ceux-là auxquels je dois l’enseignement, mais non peut-être ce que j’y mets de souci trop sentimentalement attentif !

Et me revoici devant mon nouvel emploi du temps. On a bousculé mes heures, changé mes fonctions. Je ne vais plus distribuer l’histoire et la géographie de Sixième en Seconde, je serai libérée de cette lourde tâche qui ne me restera qu’en Sixième, Cinquième et Troisième B. Mais là, on me confie tout l’enseignement littéraire. Je respire un peu. Je vais enfin pouvoir leur communiquer mieux quelque chose de moi.

…Le leur communiquer ?

*

Ils sont là qui m’attendent, mes Troisième B, avec qui je vais pendant toute l’année passer le plus grand nombre de mes heures. La classe est au second. Très grande, très obscure. Les pupitres, toujours pour des étudiants. Mais eux, mes élèves de l’an passé, sont si changés par ces semaines de grand air et d’exercice que je les sens presque étudiants plus que lycéens. Pourtant l’illusion se dissipe vite.



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