La femme abbé by Sylvain Maréchal

La femme abbé by Sylvain Maréchal

Auteur:Sylvain Maréchal [Maréchal, Sylvain]
La langue: fra
Format: epub
Tags: - Divers
Publié: 2007-10-19T22:00:00+00:00


XXV.

AGATHE À ZOÉ.

Il faut te dire, ma chère Zoé, que Saint-Almont et moi, nous sommes devenus tous deux l'édification de tous ceux qui nous voient. Quand quelques esprits-forts versent leurs sarcasmes sur l'état ecclésiastique, on répond: «Ils en auraient une autre opinion, s'ils pratiquaient Saint-Almont et son jeune clerc Sainte-Alba.»

Pendant les offices des fêtes, on nous fait remarquer. «Quelle piété affectueuse, s'écrie-t-on! ce n'est point là de la cafarderie. Comme ce jeune clerc a les yeux constamment levés sur son supérieur!»

Si tout le monde savait le véritable motif qui me fait agir ainsi... Eh bien! on l'a dit avant moi, et je suis peut-être la seule qui l'éprouve:

Oui! l'amour est vertu dans un cœur vertueux.

Il faut me voir servir mon amant à l'autel, soit aux offices du matin, soit à ceux du soir. Il faut me voir comme je presse amoureusement sur mes lèvres brûlantes la patène que Saint-Almont me donne en me disant: Pax tibi, et la baiser plutôt trois fois qu'une, à l'endroit où il l'a baisée le premier.

Quant au Pax tibi, hélas! le vœu religieux qu'il m'adresse est bien loin de mon cœur. La paix en est bannie pour long-temps, je pense.

Aux vêpres, pendant le Magnificat, tu sais, ma Zoé, que le clerc à son tour encense le célébrant; au lieu des trois coups d'encensoir, bien des fois j'en donne six ou neuf. On est obligé de m'avertir de ma méprise, et je rougis jusqu'au blanc des yeux. Mais que de satisfaction j'éprouve à offrir publiquement un encens pur à l'homme par excellence, le seul homme que j'aimerai dans ma vie entière!

Aux saluts d'apparat, je suis l'un des deux clercs qui, marchant à reculons, encensent le Saint-Sacrement, ou ce qu'on appelle le soleil, porté par notre supérieur. Sacrilége que je suis! hélas! ce n'est pas à Dieu que j'adresse l'encens que je brûle en ce moment. Il est tout entier pour le seul Saint-Almont.

Quelquefois, autant pour exercer les jeunes ecclésiastiques dans le saint ministère, que pour servir d'instruction au peuple, Saint-Almont, le soir, dans l'église, établit des conférences édifiantes. J'en soutins une avec lui; elle roulait sur l'amour profane. Saint-Almont jouait, comme il était convenable, le rôle de Notre-Seigneur, et moi celui du monde. Pour parler comme le vulgaire, il était l'avocat du bon Dieu; et moi, celui du diable.

Saint-Almont passe pour très-éloquent; mais cette fois-ci, tout l'auditoire convint que l'élève avait mieux parlé que le maître. On allait jusqu'à dire que le clerc avait embarrassé son supérieur en plus d'un endroit.

Saint-Almont m'en toucha quelque chose, en rentrant au séminaire, non pas qu'il fut atteint d'une basse jalousie; mais en homme sage, il me fit entendre que j'avais lieu de craindre un jour, tôt ou tard, l'ascendant de la plus terrible des passions.

Qu'ai-je à redouter, lui répondis-je, si vous ne me retirez pas votre main préservatrice? J'ajoutai: N'ai-je pas fait vœu de vous accompagner comme l'ombre suit le corps? et je renouvelle très-volontiers, et dans toute la sincérité de mon âme, cet engagement sacré.

Qu'est-ce donc que l'amour?



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.