La fausse parole by Robin Armand

La fausse parole by Robin Armand

Auteur:Robin, Armand [Robin, Armand]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Poésie, Littérature française, Propagande
Éditeur: Les cobayes lettrés
Publié: 1952-12-31T23:00:00+00:00


Le beau feu de bois flambant

— Votre état est d’entendre tous les jours rien, et rien très fortement fatigant. Pourtant, vous avez l’air bien portant.

— Le diable m’amuse. Ses fredaines me réjouissent.

— Et vous tenez une comptabilité de ses sottises. Cependant, votre condition reste d’écouter rien.

— L’outre-écoute de rien me fait entendre tout.

— Vous entendez ce que personne n’entend.

— J’entends ce que tous entendent, exception faite pour les quelques révoltés au pouvoir, lesquels, suprêmement ananguéliques, font pleuvoir sur l’entier monde sans jamais une seule seconde de répit la monotone ondée du sous-langage.

— [92] On vous laisse libre de dire que rien n’est vraiment dit dans tout ce qui est dit ; et même on vous laisse libre de dire qu’il n’y a rien de vraiment libre dans toutes ces licences de dire rien. Mais vous allez apparaître fait d’Esprit. Ce n’est pas permis et même c’est puni. En cette époque, qui n’est pas fou se singularise, se signale à l’attention grave des autorités, elles vont vous radariser.

— Le véritable libre n’a que faire des libertés. La liberté est ce qui est ou n’est pas dans la conscience de chaque homme et, par conséquent, elle est par essence ce qui ne peut être garanti ou détruit par le monde extérieur. Le véritable libre ne se laisse pas persuader que les prisons existent ce sont des produits de l’imagination déréglée des désespérés au pouvoir. En l’ère de l’Assassinat du Verbe, la liberté consiste à faire n’importe quoi pour opérer le salut du sens des mots.

— Vous êtes coupable de bon sens. Vous êtes ou théologien ou anarchiste.

— Je suis l’un parce qu’étant l’autre et l’autre parce qu’étant l’un.

— Somme toute, vous estimez que le Diable est un blanc-bec, un godelureau, un jeunet, et, pour tout dire, un marjolet.

— Oui. C’est la vérité.

— Vous vous mettez contre les sorciers et [93] les envoûteurs de toute espèce. Vous ne craignez rien ?

— Non ! Je ris.

— Vous livrez combat sur le plan ontologique. Pourtant, on pourra trouver à dire à votre détriment qu’en réalité vous ne faites rien d’autre qu’inaugurer un genre littéraire nouveau celui de la satire métaphysique. Le Figaro va vous louer, exprès pour vous chagriner.

— Le Figaro serait chétif, une fois de plus. Je n’inaugure absolument rien. Il y a sept siècles, saint Thomas d’Aquin, puissamment anarchiste et puissamment paisible, répondit à un hurluberlu atteint de propagande catholique qui l’avait sommé de décider s’il était vrai ou non qu’au Paradis les noms de tous les bienheureux sont inscrits sur une banderole blanche tendue en bonne place

« Autant que je sache, tel n’est pas le cas ;

« mais il n’y a pas de mal à le supposer ».

— Fut-il puni pour crime de bon sens ?

— Il était sourire ; sourire, il était prière ; prière et sourire, il était lumière. Il fut vu. Nul n’osa.

— Mais vous, votre écoute à vous, au-delà des écoutes et même des outre-écoutes, quelle est-elle ?

— [94] D’un beau feu de bois flambant, avec son histoire intérieure de cape et d’épée et ses cheveux où je vois ceux de la femme que j’aime aimer.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.