La fête écarlate by Inconnu(e)

La fête écarlate by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-09-28T13:00:10+00:00


*

Le bac était si grand que les douze chevaux et leurs cavaliers, alignés par trois, s’y tenaient aisément. Des vapeurs enfumaient son pourtour, dissimulant presque l’eau grise dans laquelle, sur les deux longueurs, huit rameurs enfonçaient leur pale. À l’arrière, deux hommes maniaient le gouvernail ; à l’avant, deux autres s’apprêtaient à lancer des grappins sur la rive.

– Ils ne peuvent nous voir s’il s’en trouve aux aguets… Et c’est à peine si nos gars font du bruit avec leurs avirons… Croyez-vous que l’armée d’Édouard se soit enclose dans cette boucle de Seine ?… Si c’était le cas, nous pourrions leur couper la retraite !

Auprès d’Ogier, le Moyne de Bâle émit son habituel grognement ; puis :

– Le roi commande et nous obéissons… Pour si sage qu’elle soit, votre idée le ferait s’ébaudir… Cette lance que vous poignez ne vous encombre pas ?

– Non… Et c’est la lance royale !

– Nous approchons, dit un homme.

Un grand bourrelet noir criblé de lumière et de chants d’oiseaux semblait venir à leur rencontre.

– Pourvu que le heurt soit doux ! dit le pennoncier, la joue contre la soie de sa bannière bleue semée de fleurs de lis.

– Tout ira bien, tu verras !

Ogier sourit à ce garçon âgé de quinze ou seize ans. Louis de Thouars lui avait proposé d’emmener Étienne de Vertaing, son ami ; il l’avait récusé : l’écuyer d’Alençon ne lui inspirait que mépris et défiance. Alors, son regard s’était posé sur Gauric, occupé à fourbir une épaulière d’armure : « C’est lui qu’il me faudrait. » Il l’avait obtenu. Les autres ? Certains guerroyaient depuis plus de dix ans, et l’un d’eux avait même combattu à l’Écluse. Tous voulaient en finir avec les Anglais ; la mollesse du roi leur paraissait étrange.

Le bac toucha le bord herbu et feuillu de la rive. Des merles et des moineaux s’envolèrent ; une pie faillit se poser sur la tête d’un cheval et s’enfuit, non sans avoir effrayé l’animal qui sabota, donnant au grand plateau de troncs jonchés de paille un balancement inquiétant.

– Trop haut, dit Ogier soudain pressé de toucher terre. Les chevaux, en voulant monter ce talus, se casseraient les jambes… Allons ailleurs.

« Et ma jambe ? » se demanda-t-il tandis que le radeau glissait puis, après un soubresaut, s’immobilisait, affleurant cette fois la berge. Les grappins volèrent et s’agriffèrent dans la terre.

« Et ma jambe ?… Le mal s’en est allé, mais je ne puis la mouvoir aussi vivement qu’avant… Dans une échauffourée, je pourrais avoir le dessous ! »

Il était bien temps d’y penser ! Déjà Gauric atteignait la rive, menait son cheval en bride quelques toises plus loin, plantait au sol l’arestuel(260) de sa bannière et attendait. Il fallait le rejoindre en hâte : le Moyne de Bâle passa ; Ogier, sa lance sur l’épaule, en fit autant et les autres suivirent sans avoir eu à quitter leur selle.

– On reste là ? demanda un des rameurs.

– Non. Allez de l’autre côté. Vous reviendrez quand vous nous verrez reparaître.



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