[La dame sans terre-1] Les chemins de la bête by Japp Andréa

[La dame sans terre-1] Les chemins de la bête by Japp Andréa

Auteur:Japp,Andréa
Format: mobi
Tags: Roman Historique
Éditeur: Alexandriz
Publié: 2006-01-01T23:00:00+00:00


Rue de Bucy, Paris, juillet 1304

Dans l’implacable silence de cette fin d’après-midi, l’écho d’un pas sur des dalles de pierres. Francesco de Leone tendit l’oreille, tentant d’en préciser l’origine pour se rendre compte soudain qu’il s’agissait de son pas.

Il avançait le long du déambulatoire de l’église. Son manteau noir dépourvu de manches lui battait les mollets, frôlant par instants le jubé qui protégeait le chœur. Une large croix blanche à huit branches soudées deux à deux, cousue sur le vêtement, reposait sur son cœur.

Depuis quand progressait-il ainsi ? Sans doute assez longtemps puisque ses yeux s’étaient accoutumés à la demi-pénombre. Profitant de la faible lumière qui filtrait du dôme, il fouillait les ombres qui le narguaient. Elles semblaient se couler aux piliers, lécher le bas des murs, se glisser entre les balustres. De quelle église s’agissait-il ? Quelle importance ? Elle était de taille modeste, pourtant, il l’arpentait depuis des heures, finissant par reconnaître chacune des larges pierres d’un ocre qui semblait presque rosé sous la parcimonieuse clarté.

Il tentait de rejoindre la silhouette qui se déplaçait en silence, à peine trahie par le chuchotement élégant d’une étoffe, une soie épaisse. Une silhouette de femme, une femme qui se dérobait. Une silhouette altière, presque aussi grande que lui. Soudain, il apercevait les cheveux de la femme, longs, très longs. Ils lui tombaient jusqu’aux mollets, vague ondulée qui se confondait avec la soie de sa robe. Une lancinante douleur le faisait haleter. Pourtant, un froid piquant régnait entre ces murs. Son haleine se concrétisait en buée, humidifiant ses lèvres.

Il avait pris la femme en chasse. Elle ne fuyait pas, se contentant de maintenir la distance qui les séparait. Elle tournait avec lui, le précédant toujours de quelques pas, semblant anticiper ses mouvements, longeant le déambulatoire extérieur pendant qu’il suivait l’intérieur.

Il s’immobilisait. Un pas, un seul, elle s’arrêtait à son tour. Un souffle lent, paisible, lui parvenait, mais peut-être l’imaginait-il. Il repartait : l’écho jumeau reprenait aussitôt.

La main de Francesco de Leone descendait doucement vers le pommeau de son épée, pourtant une tendresse dévastatrice lui faisait monter les larmes aux yeux. Il regardait, incrédule, sa main enserrer la boule de métal. Avait-il vieilli ? De puissantes veines saillaient sous sa peau pâle que des rides cisaillaient.

Pourquoi poursuivait-il cette femme ? Qui était-elle ? Existait-elle vraiment ? Voulait-il la tuer ?

Francesco de Leone se réveilla brutalement. La sueur lui trempait le visage, son cœur affolé lui faisait presque mal, et il haletait. Il leva le bras et tourna sa main. Elle était longue, carrée sans lourdeur. Une peau pâle et souple recouvrait le discret réseau bleuté de ses veines.

Il s’assit sur le rebord du lit à baldaquin de la chambre que lui avait accordée Capella, luttant contre le vertige qui l’ébranlait.

Le rêve, le cauchemar, se précisait. Leone se rapprochait de son but. Le rêve était le futur, il en était maintenant certain.

Sortir d’ici. Profiter de l’aube pour se perdre, errer dans les rues de la ville. Cette chambre, cette demeure l’étouffaient. L’odeur qui y stagnait le prenait à la gorge.



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