La Connaissance de la Connaissance by Edgar Morin

La Connaissance de la Connaissance by Edgar Morin

Auteur:Edgar Morin [Morin, Edgar]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Sociologie
Publié: 2013-07-14T22:00:00+00:00


La religion de la vérité et la vérité de la religion

Toute évidence, toute certitude, toute possession possédée de la vérité est religieuse dans le sens primordial du terme : elle relie l’être humain à l’essence du réel et établit, plus qu’une communication, une communion.

On a cru pouvoir opposer radicalement conviction religieuse et conviction théorique, la première seule paraissant de nature existentielle. De fait, la Foi des grandes religions procure sécurité, joie, libération ; la vérité du Salut assure la victoire de la Certitude sur le doute, et elle apporte la Réponse à l’angoisse devant le destin et la mort. Toutefois, en vertu du sens reconnu ici au terme « religion », il peut y avoir une composante religieuse dans l’adhésion aux doctrines ou théories, y compris scientifiques, et cette composante religieuse tient à la nature profonde du sentiment de vérité.

Une grande Doctrine ou Théorie révèle le Principe qui légifère et gouverne le monde, et elle constitue un analogon abstrait/idéel du fonctionnement de l’Univers. Elle permet ainsi de contempler la vérité cachée de l’Être du monde ; on comprend dès lors le sens contemplatif originel du terme « théorie », qui en indique le caractère existentiel. De plus, comme nous l’avons vu et le reverrons, il y a, au cœur des doctrines ou théories, un noyau d’idées maîtresses, répondant aux grandes obsessions cognitives, assurant une communion ontologique avec le réel, et procurant un sentiment de plénitude. Autour de ce noyau s’articulent des justifications empiriques, logiques, idéologiques qui établissent à tous les niveaux l’adéquation entre la théorie et le réel. Dans ces conditions, ce n’est pas seulement une bienheureuse et évidente harmonie qui s’établit entre la théorie et le réel, c’est aussi une identification secrète, par magie analogique, qui s’opère entre l’analogon théorique et le monde réel. Dès lors, la théorie donne à l’esprit, dans sa communication devenant communion avec le monde, le sentiment évident de posséder le monde et d’en être possédé. Ainsi, la contemplation théorique de la vérité s’allie à la possession possédée de cette vérité.

Une telle alliance procure à la connaissance théorique une qualité pré- ou péri-extatique, voire mystique. La composante pré-extatique et mystique se trouve, non dans la théorie elle-même, évidemment, mais dans l’adhésion à sa vérité. À la limite, l’extase (ex-stasis : être hors de soi) apparaît lorsque l’intensification du bonheur théorique transforme la contemplation en ravissement. Ici, une fois encore, nous devons effectuer une jonction entre les obsessions cognitives (themata), les questions et anxiétés existentielles, et les profondes satisfactions, voire jouissances quasi extatiques, qu’apporte la Vérité doctrinaire ou théorique. Toute théorie, en somme, a quelque chose de potentiellement platonicien (permettant de contempler extatiquement, dans les Idées, l’Essence du Réel), ou, si elle est mathématisée, de pythagoricien (permettant de contempler extatiquement, dans les Nombres, l’Essence du Réel). Toute adhésion à un système cohérent d’idées sur le Monde permet de concevoir le Monde comme un système ordonné et parfait. Dans ce sens, la passion « parménidienne » de l’Unité efface les désordres, les pluralités, les déracinements, les morcellements,



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