La Confiserie de Rosie by Jenny Colgan

Auteur:Jenny Colgan [Colgan, Jenny]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Littérature anglaise
ISBN: 9782810438129
Éditeur: Prisma
Publié: 2023-03-27T08:53:34+00:00

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1943

C’était indéniable, cela les aida à aller mieux. Gordon, qui avait une semaine de permission, quitta le front nord-africain pour rentrer à la maison. Après un voyage de plus de soixante-douze heures, à bord de bateaux et de camions de ravitaillement, il prit un car vert à Derby, son paquetage sur les genoux, et franchit enfin les collines, à une allure d’escargot, arrivant juste à temps pour le déjeuner du samedi. Pour la première fois depuis longtemps, Lilian décela une étincelle dans les yeux de son père et, une seconde, se demanda pourquoi elle ne l’y avait pas vue avant.

Les deux hommes ne s’étreignirent pas – ils n’étaient pas très démonstratifs dans la famille –, mais son père tint longuement la main de son fils, puis lui serra l’épaule, les yeux humides. Gordon, avachi, épuisé, paraissait plus âgé, plus adulte, mais avait toujours son air espiègle. Les deux hommes restèrent assis, dans un silence presque total, pendant que Lilian servait les côtelettes – leur ration de viande pour deux semaines ; ils échangèrent à peine quelques mots, quelques remarques sur la nourriture de l’armée, mais ils ne s’étaient pas sentis aussi bien depuis longtemps, elle le voyait. Et, en son for intérieur, elle aussi. Chaque fois qu’elle pensait à Henry, elle éprouvait, jusque dans ses tripes, un sentiment de joie, d’excitation mêlée de nervosité et d’incrédulité ; cela lui tordait le ventre. Elle avait prévu de filer en douce pour le rejoindre dans la soirée, mais, comme Gordon était là… peut-être, peut-être, était-ce le moment de l’inviter chez elle.

– Alors, qu’est-ce qui se passe au village ce soir, sœurette ? lui demanda Gordon. Je suis allé à Piccadilly Circus, tu sais.

Lilian ne répondit pas. Elle aurait adoré y aller. Peut-être un jour, avec Henry… mais ce rêve était si fou qu’elle le chassa aussitôt de ses pensées et interrogea son frère sur les lumières de la ville. Mais Gordon tenait plus à leur parler de la fois où l’un des soldats s’était fait chiper son pantalon et tout son argent par un vagabond, à Londres ; de Tanger, cette cité de sable et de bazars, où, sous une brume de chaleur, les enfants vous couraient après en criant : « Charlie Chaplin ! Charlie Chaplin ! » C’était si loin d’elle. Il leur raconta des anecdotes amusantes sur ses officiers supérieurs, une bande d’incapables, et sur leur matériel défectueux, mais, quand leur père lui demanda s’ils avaient livré des escarmouches, il se tut un instant. Lilian pensa à Ned et se détourna. Mais Gordon ne put contenir longtemps son exubérance naturelle. Après un silence, il releva les yeux.

– Papa, j’ai eu la peur de ma vie. À me faire pipi dessus.

Le père de Lilian lâcha un gros rire, le premier depuis des mois.

– Ha ! Ha ! Oui. Exactement. Je ne l’aurais pas mieux dit. Ha ! répondit-il, avant de rire aux larmes et de se caler dans sa chaise. Tu me remontes le moral, fiston. C’est bon de te voir.

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