La Chambre des Merveilles by Sandrel Julien

La Chambre des Merveilles by Sandrel Julien

Auteur:Sandrel, Julien [Sandrel, Julien]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions de l'épée
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


13

Jour 17

UN VIEUX BAR CRADE

Une petite soirée toute simple, à la bonne franquette, avait dit Charlotte. Tu parles, l’appartement était minuscule et bondé.

Je me serais crue à la soirée de Noël d’Hégémonie, le genre de soirée dans laquelle j’ai toujours l’impression que chaque participant a jeûné pendant trois mois… alors moi la bien élevée, au bout de cinq minutes il ne me reste généralement plus que trois toasts au jambon. Eh bien, chez Charlotte, il fallait sacrément avoir la rage pour espérer accéder au buffet et à une quelconque boisson.

Charlotte m’a accueillie tout sourire, m’invitant à entrer, me remerciant pour les fleurs et me gratifiant d’un waouh vous êtes très belle qui m’a fait plaisir. J’avais opté pour une tenue simple, mais efficace : jean slim, chemisier blanc à tendance translucide, talons aiguilles rouge carmin. Je lui ai retourné le compliment. Charlotte était à tomber. Bien sûr je la reconnaissais, mais son look du soir n’avait rien à voir avec l’uniforme blouse-blanche-Crocs-maquillage-léger dans lequel j’avais l’habitude de la voir. Juchée sur des sandales compensées qui rehaussaient ses jambes hâlées de dix bons centimètres, elle virevoltait dans sa robe noire, honorant de son enthousiasme communicatif chacun de ses invités. Étant donné qu’il devait y avoir cinquante personnes, j’avais calculé assez vite que mon quota de Charlotte au cours de la soirée serait très limité.

J’étais là depuis près de vingt minutes et je n’avais toujours engagé de conversation avec personne. J’étais la plus vieille de tous les convives. Charlotte devait avoir dix ans de moins que moi, je ne me l’étais pas énoncé aussi clairement à l’hôpital, mais maintenant que je l’observais dans son habitat naturel, c’était évident. Qu’est-ce que je foutais là, putain ? À mesure que les minutes défilaient, je me sentais de plus en plus décalée. J’étais différente de cette faune de jeunes célibataires, insouciants, rieurs, buveurs, fumeurs. Je les enviais pourtant. Je voulais leur ressembler, donner le change. Moi, d’ordinaire si à l’aise dans les conversations de comptoir ou de machine à café, j’avais perdu cette capacité à faire semblant de m’intéresser à ce qui ne m’intéressait pas, à réagir par des hochements de tête ou des “ ah, super… oh, tant mieux… mais dis-moi c’est génial… ” aux élucubrations d’une vague connaissance racontant ses vacances au Népal. Ces quelques semaines avaient anesthésié mes synapses de socialisation. Je ne m’en étais pas rendu compte, car je n’avais plus été confrontée à une telle situation depuis que j’avais claqué la porte d’Hégémonie. Je m’apprêtais à repartir, lorsque j’ai entendu un homme s’adresser à moi.

— C’est incroyable, ces gosses seraient prêts à tout pour quelques grammes d’éthanol. Puis-je vous offrir quelque chose, mademoiselle ? Enfin si je parviens à me glisser…

Il avait une voix chaude, éraillée, presque cassée. Très masculine. Je me suis retournée, une réponse-type-qui-coupe-les-élans-des-dragueurs-qui-parlent-comme-dans-un-bouquin au bord des lèvres :

— Non merc…

Et je me suis arrêtée net. Le mec était beau. Charmant. Je ne m’y attendais pas. La quarantaine ou un peu plus – peu importe – en tout cas bien plus âgé que la moyenne de cette soirée.



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