La chambre de lactation by Frédéric Soulier

La chambre de lactation by Frédéric Soulier

Auteur:Frédéric Soulier [Soulier, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2018-03-15T23:00:00+00:00


Quatrième partie

Le maréchal des logis-chef de gendarmerie Denis Servelet ne savait pas trop qui, de son chien, de sa femme, de sa belle-mère, de sa maîtresse ou de ses quatre enfants, il détestait le plus. Le clébard chiait dans ses pompes et déchiquetait son journal, sa femme se fichait de lui parce qu'il n'arrivait pas à prendre d'avancement, sa belle-mère... ne se décidait pas à crever, sa maîtresse lui coûtait horriblement cher – bien plus qu'une pute, comparativement au temps qu'il passait sur elle –, et aucun de ses enfants ne lui accordait le respect qu'il méritait.

Heureusement, le maréchal des logis-chef Servelet comptait sur son boulot et ses livres pour donner du sens à son existence. Polar suédois ou thriller, l'important était que ces romans missent en scène des enquêteurs brillants qui résolvaient à la seule force de leur intelligence et de leur abnégation des affaires a priori insolvables. Sa préférence allait aux polars de Fred Vargas et à son personnage d'enquêteur génial et intuitif : le commissaire Adamsberg. C'était un modèle de professionnalisme pour le gendarme, qui n'avait jusqu'ici résolu aucune affaire d'importance. On pouvait dire que Servelet était fan du placide commissaire, lui qui, dans la vraie vie, n'accordait son respect à personne.

Les collègues de Servelet disaient qu'il n'aurait pas su trouver de poisson dans la mer, mais la vérité était qu'on ne lui laissait pas l'occasion de faire ses preuves et qu'on ne lui confiait que les enquêtes de routine. Denis voulait se confronter à un assassin retors, à un tueur insaisissable. Enfin, il devait bien y avoir ça, dans le coin, des dégénérés !

Tout le monde le sous-estimait, et ce n'était pas les dénigrements de sa famille qui risquaient d'améliorer sa confiance en lui. Il n'était pas étonnant qu'il y eût autant de suicides parmi les forces de l'ordre. Dès que l'on commençait à s'élever dans la hiérarchie, la pression était énorme, l'échec, un couperet. Pourtant, dans ses rêves éveillés, l'adjudant s'imaginait s'exprimer face à des journalistes d'un air faussement modeste. Ça a été une enquête difficile, mais nous (ne jamais employer la première personne du singulier, afin de paraître plus humble) étions déterminés à ne pas laisser ce crime impuni. Il fallait que nous apportions des réponses à la famille pour qu'elle puisse faire son deuil blablabla... Parfois quand il était seul, le gendarme s'entraînait à tenir un discours. Il voyait comme s'ils étaient là les micros des journalistes tendus vers sa bouche pour en récolter les précieuses paroles. Oui, un jour il parlerait au nom de la Gendarmerie Française pendant une conférence de presse, il en était certain. Il suffisait juste d'un peu de chance, d'une opportunité, et son talent de limier ferait le reste.

« On y est, maréchal des logis-chef Maigret. Euh, maréchal des logis-chef Servelet, pardon... », gaussa un des deux subordonnés qui l'accompagnaient.

Ce petit con de Mahmoud était assez roublard pour se payer sa poire sans se montrer ouvertement irrespectueux. Servelet lui adressa un regard furibond qui ne démonta pas le jeune gendarme à deux chevrons.



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