La Belge et la bête by Mayence Bruce

Auteur:Mayence Bruce
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Hérétiques

9

— Maître Anciaux pourrait-il me recevoir ?

La maison de l’avocat doit valoir trois ou quatre Mosca flambant neufs à elle toute seule et dans le parc immense, il y a un étang où on peut pêcher le gros.

La dame du magistrat, pas excitante pour un sou, a pas dû faire fantasmer beaucoup quand elle était ministre…

Ah, mon avocat !

— Monsieur ?

— Lecouvreur, Gabriel Lecouvreur. Autant vous donner ma véritable identité puisque vous êtes si compétents, en Belgique.

— Qu’est-ce qui vous amène en Belgique, monsieur Lecouvreur ? Vous êtes français, je pense… ?

— Je sais, j’ai un accent épouvantable. J’enquête sur la mort d’un vieil ami qui avait un ennemi commun avec vous, je crois…

— Dandois ! Je pense que nous serons mieux dans mon bureau !

C’est vrai qu’il ressemble à Jean Gabin, cette force tranquille sur laquelle il s’appuie. D’après mes calculs, il a près de soixante-dix ans et il affiche une de ces pêches…

Son bureau est comme je les aime, un bordel indescriptible dans lequel il doit vous retrouver en un clin d’œil le bout de papier sur lequel il a noté le numéro du gars qui l’a appelé le 12 avril 1960.

— Je vous écoute !

Il me montre une bouteille de bourbon, je lui dis qu’un verre vide suffira. Il s’en verse un et pendant qu’il l’avale, j’attaque sèchement :

— Vous saviez que Dandois est mort trois heures après son assassin ?

Il tousse.

Il savait pas !

— D’où tenez-vous ça ?

— D’un journaliste qui s’est recyclé en mineur de fond et d’après ce qui lui est arrivé, je peux en déduire qu’il mentait pas !

— Qu’est-ce que vous cherchez, au juste ?

— L’assassin d’un vieux pote, c’est tout. Vous connaissez le Balancier ?

Il sourit, il est beau quand il sourit, mon avocat ; je suis sûr que ce sourire a sauvé autant de têtes qu’il n’en a perdues !

— Vous n’allez pas me dire que vous croyez au père Noël, monsieur Lecouvreur ! Le Balancier, ou si vous préférez, le Zwengel, c’est un canular d’étudiants et rien d’autre. On leur fait faire une enquête pour les bizuter, on leur fait croire que ça existe et ce n’est que bien plus tard qu’on se rend compte qu’on s’est fait leurrer. Même nous, les sapins verts, on y croyait dur comme fer !

— Qu’est-ce que vous avez dit, là ?

— Je disais que même moi, quand j’étais étudiant en droit, j’y croyais avec toute la ferveur de mes trente ans ; ce n’est que bien après qu’on se rend compte que c’est un mythe que les étudiants ont inventé pour se faire peur. Ça date de si longtemps que les origines se sont perdues. C’est peut-être pour cette raison qu’on y croit si fort !

— Qu’est-ce que c’est qu’un sapin vert ?

— C’est ainsi que les étudiants surnomment les futurs avocats, parce qu’ils se croient obligés de s’affubler de pardessus verts qui les font ressembler aux conifères !

Les cinq sapins verts : mon étudiant bizuté voulait peut-être désigner cinq aspirants magistrats.

—

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