La bataille de Pylos by Philippe Lafargue

La bataille de Pylos by Philippe Lafargue

Auteur:Philippe Lafargue [Lafargue]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Alma Éditeur
Publié: 2016-01-11T16:00:00+00:00


L’empire, de nouveau

Le cours des choses peut donc reprendre son cheminement normal : Athènes retrouve sa prééminence sur les cités alliées et l’empire, un temps contesté, demeure. L’année 425/424 est marquée par deux mesures politiques liées l’une à l’autre : le relèvement du tribut (phoros), versé par les membres de la Ligue de Délos, et l’augmentation de l’indemnité due aux héliastes, les jurés populaires athéniens. Ces réformes s’inscrivent dans le cadre d’un héritage, celui de la démocratie péricléenne et, au-delà, d’une tradi­tion politique, remontant à Solon et Clisthène, qui n’a cessé d’infléchir les institutions athéniennes dans un sens toujours plus démocratique : cette mouvance, celle qu’Aristote nomme le dèmos, le parti « du peuple », s’oppose aux « honnêtes gens » (epieikeis), c’est-à-dire le parti des notables 310. Car les mesures votées peu après la victoire de Pylos ont pour objectif de consolider la démocratie, d’achever sa mue définitive, entamée depuis la chute de la tyrannie à la fin du VIe siècle.

Aristote n’a guère de sympathie pour le régime athénien, lui préférant une démocratie modérée, tempérée par des élites éclairées. Rien n’est pire que cette démocratie « intégrale » ou « authentique » (è malist’ einai dokousa dèmokratia, littéralement « celle qui semble le mieux une démocratie ») que les Modernes, marqués par les égarements politiques de l’époque contemporaine (de la Terreur aux républiques soviétiques en passant par la Commune), appellent parfois de manière abusive la « démocratie radicale 311 » : la multitude y règne en maître, les décrets l’emportent sur les lois justes, les magistrats sont tirés au sort (et non élus), les citoyens perçoivent des indemnités pour siéger à l’Assemblée ou à l’Héliée, le tribunal populaire d’Athènes.

Cette démocratie, qui est celle du temps d’Aristote et de ses disciples, puise ses racines dans le Ve siècle : Éphialte, qui a réduit les pouvoirs de l’Aréopage – un conseil d’essence aristocratique, ultime survivance de l’époque archaïque –, ou Périclès, qui a accordé des indemnités aux citoyens-juges (misthoi), en ont été les principaux artisans. Mais cet approfondissement démocratique ne peut aller de pair qu’avec la croissance de l’impérialisme : Athènes est une démocratie impériale. Le peuple à qui l’on demande un investissement toujours plus grand dans les affaires de la cité doit obtenir des compensations : du temps, de l’argent, des terres coloniales (clérouquies), du prestige. C’est cette voie que poursuivent les successeurs de Périclès, notamment Cléon, au lendemain de la victoire de Pylos : plusieurs inscriptions montrent que le montant du tribut, versé par les alliés, est probablement triplé 312.

Assez étrangement, Thucydide garde le silence sur ce fait alors qu’il aurait pu souligner ici la dérive impérialiste d’Athènes. Sans doute est-ce parce que le relèvement du phoros restera en réalité sans conséquence : la Paix de Nicias imposera un retour à la situation antérieure à 425-424, les cités alliées gardant leur autonomie « en payant le tribut de l’époque d’Aristide », c’est-à-dire lors de la création de la Ligue de Délos 313. Il n’empê­che que la portée symbolique de ces nouveaux prélèvements, elle, demeure importante.



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