Khalil by Yasmina Khadra

Khalil by Yasmina Khadra

Auteur:Yasmina Khadra
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Julliard
Publié: 2018-08-15T22:00:00+00:00


Le lendemain, ma sœur jumelle m’appela pour m’annoncer que la mère de Rayan était passée lui remettre les affaires que j’avais laissées chez son fils.

— Où veux-tu que je te les apporte ?

— Je suis à Anvers pour deux ou trois jours. Dépose-les chez Issa le boulanger… Elle était comment, la mère de Rayan ? Est-ce qu’elle est entrée voir la nôtre ou s’est-elle contentée de te remettre mes affaires sur le palier ?

— Elle était comme d’habitude. Elle est restée chez nous une petite demi-heure. Nous avons bu du thé et parlé du bled. Ça ne va pas très fort, là-bas, tu sais ? Et toi, ça s’est passé comment avec Yezza ? Tu l’as appelée ?

— Oui.

— Pourquoi elle était dans tous ses états ? À moi, elle n’a rien voulu dire, prétextant que ça ne regardait qu’elle et toi.

— Elle devient folle, lui répondis-je, expéditif.

Je retournai rue Heyvaert faire le guet. Aucune voiture de police ne s’arrêta devant le magasin du Turc. Le soir, je me hasardai du côté de l’atelier désaffecté dans l’espoir de croiser Ramdane le maçon ou un frère. En vain.

Le troisième jour, je pris mon courage à deux mains et rejoignis mon lieu de travail. J’étais fatigué d’errer dans un monde parallèle où rien ne me réconfortait. Le patron ne me fit pas de scène. Il goba l’histoire de la tentative de suicide de ma sœur aînée et m’orienta immédiatement sur les livraisons qui m’attendaient.

Une semaine plus tard, un jeune homme se présenta au magasin. Il acheta un lit à une place, une table de chevet et une armoire, paya en liquide et me pria de le suivre chez lui pour monter les meubles qu’il venait d’acquérir.

— Pas besoin de ton fourgon, j’ai le mien, me dit-il. Ça m’évitera les frais de la livraison.

C’était un garçon plutôt sympathique. Il avait l’air instruit, avec ses lunettes d’étudiant et ses cheveux coupés en brosse. Il habitait seul dans un immeuble rabougri à l’extrémité d’une banlieue pavillonnaire. Il m’aida à décharger les meubles dans un petit deux-pièces au deuxième étage et attendit au salon que je finisse le montage du lit et de l’armoire.

J’étais en train de remballer mon attirail lorsqu’une voix retentit derrière moi :

— Alors, tu la trouves comment, ta nouvelle planque ?

Cette voix ! On aurait dit l’appel du muezzin.

Je bondis sur mes jambes.

Lyès se tenait dans l’embrasure de la porte, rasé de frais, engoncé dans un survêtement rouge et noir. Je ne l’avais pas reconnu tout de suite, sans sa barbe. J’étais si content de le revoir que le tournevis m’échappa des mains… Qui avait dit que je pouvais me passer de mes frères ? Foutaises. J’avais essayé de me faire croire que j’étais en mesure de vivre sans eux, mais il avait suffi à Lyès de réapparaître pour que les choses se remettent à l’endroit. Mes doutes, mes hantises, mes frustrations volèrent en éclats. Mon cœur battait si fort qu’il me faisait mal. Je n’étais plus une épave à la dérive – j’étais de nouveau sur mes rails, parfaitement dans mon élément.



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