Juste après dresseuse d'ours by Jaddo

Juste après dresseuse d'ours by Jaddo

Auteur:Jaddo [Jaddo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Témoignage, Médecine, France
Éditeur: Ninick - TAZ
Publié: 2011-10-12T22:00:00+00:00


À une Malabaraise

Entre, je me souviens de toi.

Bien sûr que je me souviens de toi.

Tu étais venue me voir la semaine dernière, toi qu’on n’avait jamais vue dans ce cabinet.

C’est que tu arrivais d’Afrique, et que tu n’étais là que pour quelques mois, en vacances. Toute douce, très attentive, jeune, jolie. Tu venais d’une grande ville d’Afrique, j’ai oublié laquelle, pardonne-moi. En tout cas j’avais noté ton français impeccable et ton allure très européenne. Tu n’avais pas de carte Vitale du coup, et pas de couverture sociale, mais tu allais payer ta consultation de ta poche sans problème.

Tu venais me voir pour tes problèmes de sommeil.

Tu m’as raconté calmement, de ta voix joliment lointaine, joliment détachée, ta rupture récente, douloureuse, ton départ en vacances qui avait tout l’air d’une fuite, et puis, depuis, l’impossibilité de t’endormir le soir.

Tu m’as servi l’insomnie transitoire aiguë la plus belle de toute ma (certes jeune) carrière.

La même chose qu’à la mort de ton père il y a plusieurs années. Tu avais pris pendant trois ou quatre semaines un Stilnox avant de te coucher, et puis c’était passé, et tu n’en avais plus jamais repris depuis.

Elle était belle ton histoire.

Moi, j’étais vaguement mal à l’aise, mais elle était belle.

J’ai beaucoup pensé à toi après ton départ.

Bien sûr, j’avais pensé à la possibilité que tu me mentes. On voit des tas de gens inconnus qui ont de belles histoires qui débouchent sur une demande de prescription de benzos. Rarement aussi belles que la tienne, mais on en voit plein.

Je n’étais pas sûre que tu ne me mentes pas, mais je me méfiais de ma méfiance. On a vite fait de trop se méfier des gens. Et puis, comme on ne peut pas reprocher aux gens leurs trop jolies histoires, et comme on ne peut pas se fier seulement à son malaise, à son instinct, à ses antennes qui frémissent, je t’avais accordé le bénéfice du doute.

Pour tout ça, et aussi parce que derrière quelqu’un qui ment pour avoir ses Stilnox, il y a une personne malade. D’une autre maladie, mais malade. Et cette personne-là, il faut essayer aussi de faire ce qu’on peut pour elle, la dénicher, l’accrocher comme on peut, la faire revenir et travailler avec elle. Et pour la faire revenir, parfois, on fait des concessions.

Tu étais partie en évoquant un « bilan » que tu voulais profiter de ton séjour en France pour faire, et tu m’avais dit que tu reviendrais.

Et tu es revenue.

Tu es revenue, mais pas pour le bilan. Tu voulais revenir avant, mais comme je n’étais pas là, et que c’était vraiment moi que tu voulais voir, te voilà aujourd’hui.

Parce qu’on t’a volé ton sac, et, c’est ballot, quand même, ton ordonnance de Stilnox avec.

Merci pour l’eau à mon moulin, merci d’avoir transformé mon vague instinct en conviction intime, ça va m’aider.

Le rideau est levé, début de l’acte II, on va pouvoir bosser maintenant.

Mais ça cloche. Le voile est levé, mais ça cloche toujours.

Tu es toujours aussi jolie, toujours aussi calme, toujours aussi parfaite, et moi, je suis toujours aussi mal à l’aise.



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