Jung, un voyage vers soi by Frédéric Lenoir

Jung, un voyage vers soi by Frédéric Lenoir

Auteur:Frédéric Lenoir [Lenoir, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, Littérature Française, Biographie
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2021-11-05T13:46:57+00:00


Le numineux

Mais Jung va plus loin encore. Non seulement il affirme que notre inconscient collectif est truffé de mythes et de symboles religieux, mais il fait lui-même l’expérience psychique d’un bouleversement émotionnel en lien avec une force ou une puissance indéfinissable. Il observe la même chose chez certains de ses patients et à travers de nombreux témoignages historiques dans toutes les cultures du monde. La lecture de deux grands théologiens et philo­sophes allemands des religions va lui permettre de mieux cerner et même de nommer cette expérience.

Carl Jung, le grand-père paternel de Jung, qui était également médecin, avait abjuré le catholicisme et reçu le baptême protestant d’un théologien très connu à l’époque, Friedrich Schleiermacher, qui était aussi un grand érudit et un des pionniers du mouvement romantique allemand. Ce dernier publie en 1799 un Discours sur la religion, dans lequel il montre que la religion se fonde avant tout sur le sentiment, le cœur, la sensibilité. L’expérience religieuse est d’abord une expérience émotionnelle qui touche l’âme, la dimension rationnelle et dogmatique venant dans un second temps. Il entend aussi montrer que le sentiment religieux n’est pas qu’une expérience personnelle, mais qu’il revêt aussi une dimension collective : il doit être partagé et cela est possible dans la mesure où il repose sur des images originelles présentes chez tous les humains. Il se peut que cette dernière suggestion ait mis Jung sur la piste de l’inconscient collectif et des archétypes, mais il retient aussi de Schleiermacher cette idée fondamentale que l’expérience religieuse est avant tout un sentiment, d’autant qu’il la retrouve dans un livre publié en 1917, Le Sacré, par un autre penseur allemand : Rudolf Otto. Professeur de philo­sophie des religions à l’Université de Marbourg, celui-ci fut l’inspirateur des « Rencontres d’Eranos », au bord du lac Majeur, auxquelles Jung participera pendant vingt ans. Otto s’inscrit explicitement dans la filiation de Schleiermacher, bien qu’il entende se situer non plus sur le terrain de la théologie, mais sur ceux de la philo­sophie et de l’histoire comparée des religions. Il reste néanmoins marqué par la pensée romantique, qui restaure l’importance de la sensibilité et de l’affectivité face à la primauté de la raison imposée par les Lumières. S’il conserve l’idée que toute religion repose d’abord et avant tout sur un sentiment, il donne à celui-ci un objet qui n’est pas Dieu, mais le mystère. Confronté au mystère du monde et à l’énigme de la vie et de la mort, l’être humain fait l’expérience du numinosum, le « numineux », qu’Otto définit à la fois comme une énergie et comme un sentiment.

Cette rencontre avec le mystère, qui constitue pour lui une forme de transcendance ou d’altérité, a une incidence sur l’âme de deux manières : l’être humain ressent de l’émerveillement et de l’amour face au mysterium augustum, la beauté et la grandeur ineffables du monde, et de la terreur face au mysterium tremendum, « le mystère qui fait trembler ». C’est cette expérience universelle du numineux qu’Otto qualifie de « sacré ». L’expérience



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