Julie Crèvecoeur 2 by Néry Gérard

Auteur:Néry, Gérard [Néry, Gérard]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romance
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

En liant son destin à celui du capitaine confédéré Stanley Desfontaines, Julie avait, certes, agi sur une impulsion, mais non pas inconsidérément. Elle savait à présent dominer « l’événement », alors que depuis le jour où elle avait pris la décision de sauver Alain des geôles mexicaines, l’« événement » faillit à plusieurs reprises empêcher la réalisation de son projet. Il y avait peu de temps encore, échouée sur le pavé de New York, elle désespérait de revoir Alain vivant. Et pendant le long, l’interminable voyage en chemin de fer vers le Sud, elle s’était demandé plus d’une fois si elle n’était pas en train de s’éloigner du Mexique plutôt que de s’en rapprocher…

Au soir d’une journée fertile en événements, Julie pouvait croire à bon escient que ses craintes étaient sans fondement, qu’elle se trouvait bel et bien, grâce aux circonstances, sur une trajectoire idéale en compagnie d’un homme, cavalier pour ainsi dire professionnel, et qui avait intérêt à se soustraire dans le plus bref délai aux autorités de l’Union… Elle fut donc surprise en constatant qu’à peine sorti de l’horloge qui lui avait servi de cachette, Stanley fut emmené par le colonel Freemont dans un autre endroit, secret, alors que Julie resta seule avec Belle Freemont. Celle-ci la conduisit au premier étage dans une chambre spacieuse principalement meublée d’un lit à colonnes et d’une très jolie coiffeuse Empire.

— La plus présentable de nos chambres d’amis, expliqua Belle.

Julie aurait dû se réjouir de retrouver les vestiges d’un luxe qui aurait dû lui rappeler Auteuil. Mais elle ne jeta qu’un regard distrait sûr les draps fins et les ustensiles de toilette, en argent et marqués au chiffre de la famille.

— Les Yankees ne nous ont tout de même pas tout volé ! remarqua Belle.

Bien entendu, Julie était sensible à ces détails, mais elle était impatiente de reprendre la route.

— M. Desfontaines m’avait laissé entendre que nous allions chevaucher de nuit et nous reposer durant le jour, dit-elle.

Miss Freemont eut un curieux petit sourire.

— Vous ne pensiez pas repartir dès ce soir ?

— Mais si, répliqua Julie. Chaque heure compte, tant pour le capitaine que pour moi… Je… je suis attendue de l’autre côté de la frontière.

Belle Freemont baissa les stores, car le soleil, déjà très chaud, inondait la chambre.

— Les Fédéraux sont repartis, c’est exact, mais ils ne vont pas s’en tenir là…

Julie tombait de haut.

— Comment ? s’écria-t-elle. Mes explications ont pourtant paru satisfaisantes à ce lieutenant !

— Vous connaissez mal les Yankees… Dites-vous bien que notre maison est l’objet d’une surveillance discrète, mais, je vous prie de le croire, efficace ! Et non seulement notre maison, mais les environs aussi. Si vous partiez par les champs, vous tomberiez sur une de leurs patrouilles…

Julie resta plantée au milieu de la pièce, comme anéantie.

Mais alors… mais alors, quand partirons-nous ?

— Belle Freemont revint vers elle. Le store dessinait sur le parquet ciré de grandes rayures d’ombre et de soleil. Julie ne put s’empêcher d’y voir l’image symbolique des barreaux d’une prison. Son hôtesse posa un doigt sur les lèvres.

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