Julia de Trecoeur by Octave Feuillet

Julia de Trecoeur by Octave Feuillet

Auteur:Octave Feuillet [Feuillet, Octave]
La langue: fra
Format: epub
Tags: fiction, classique, Europe, France
ISBN: 978-2-8247-1447-9
Éditeur: Bibebook
Publié: 1872-01-01T00:00:00+00:00


q

Chapitre 6

Après quelques heures d’un sommeil pénible, M. de Lucan se leva le lendemain le front chargé de soucis. La reprise d’hostilités qui lui avait été si clairement signifiée présageait sûrement pour son repos de nouveaux troubles, pour le bonheur de Clodilde de nouveaux déchirements. Il allait donc rentrer dans ces odieuses agitations qui avaient si longtemps désolé sa vie, et, cette fois, sans aucune espérance d’en sortir. Comment, en effet, ne pas désespérer à jamais de ce caractère indomptable que l’âge et la raison, que tant d’égards et de tendresse avaient laissé impassible dans ses préventions et ses haines ? Comment comprendre et surtout comment vaincre jamais le sentiment chimérique ou plutôt la manie qui avait pris possession de cette âme concentrée, et qui s’y perpétuait sourdement, toujours près d’éclater en violences furieuses ?

Clodilde et Julia n’avaient pas encore paru. Lucan alla faire un tour dans le jardin pour respirer encore une fois la paix de sa chère solitude, en attendant les orages prévus. À l’extrémité d’un berceau de charmille, il aperçut le comte de Moras, le bras appuyé sur le piédestal d’une vieille statue et les yeux fixés sur le sol. M. de Moras n’avait jamais été un rêveur ; mais, depuis son arrivée au château, il avait, dans plus d’une occasion déjà, laissé voir à Lucan des dispositions mélancoliques très étrangères à son naturel. Lucan s’en inquiétait ; cependant, comme il n’aimait pas lui même qu’on forçât sa confidence, il s’était abstenu de l’interroger.

Ils prirent la main en s’abordant.

— Vous êtes revenus tard cette nuit ? demanda le comte.

— Vers trois heures.

— Oh ! povero !...À propos, merci de votre complaisance pour Julia… Comment a-t-elle été pour vous ?

— Mais… bien, dit Lucan. – Un peu singulière, comme toujours.

— Oh ! singulière… va de soi !

Il sourit assez tristement, prit le bras de Lucan, et, l’entraînant dans les dédales de charmille :

— Voyons, mon cher, lui dit-il d’une voix contenue, entre nous deux, qu’est-ce que Julia ?

— Comment, mon ami ?

— Oui, quelle femme est-ce que ma femme ? Si vous le savez, je vous en prie, dites-moi.

— Pardon… mais c’est à vous que je le demanderai.

— À moi ? dit le comte ; mais je l’ignore absolument. C’est une énigme dont le mot m’échappe. Elle me charme et m’épouvante… Elle est singulière, disiez-vous ? Elle est plus que cela… elle est fantastique. Elle n’est pas de ce monde. Je ne sais qui j’ai épousé… Vous vous rappelez cette belle et froide créature des contes arabes qui se relevait la nuit pour aller faire des orgies dans les cimetières… C’est absurde, mais elle m’y fait songer !

L’œil troublé du comte, le rire contraint dont il accompagnait ses paroles, émurent vivement Lucan.

— Ainsi, lui dit-il, vous êtes malheureux ?

— On ne peut davantage, répondit le comte en lui serrant la main avec force. Je l’adore, et je suis jaloux… sans savoir de qui ni de quoi ! Elle ne m’aime pas… et cependant, elle aime… elle doit aimer



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.