Jubilations vers le ciel by Yann Moix

Auteur:Yann Moix [Moix, Yann]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Grasset
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

ELLE COMPREND VOTRE DÉTRESSE, MAIS...

... NE LAISSEZ VENIR À ELLE QUE LA JOIE:

IL FAUT BIEN VIVRE.

QUATRIÈME PARTIE

Kama Sutra

1

Ondulés en volutes célestes, entre clair et obscur, les cheveux d'Hélène font sourire jusqu'à ses épaules, qu'elle porte fines et fragiles. Des mèches ricochent en écume sur les vagues à l'âme que dessine son grand front blanc. Ses sourcils sont d'une symétrie de miroir. Sous eux palpitent deux diamants d'un bleu menthe, à la moire mouchetée d'étincelles silencieuses. Chez les autres, on appelle ça des yeux.

La couleur des lèvres, un rien boudeuses, hésite entre le pourpre de l'anémone et l'orangé du corail. Les joues sont lisses, aiguisées par une perfection de coutelas qui rend le visage menu, presque maigre. C'est quand même incroyable de voir ce que Dieu arrive à faire avec une équerre et un compas. Rien à gommer sur cette figure à la géométrie précise, mélange de chat et d'aigle. Ses dents transpercent le vert brillant des pommes. Oreilles minuscules. Et ce cou où les baisers, tels des ballons à jamais hors-jeu, aiment rouler leur cuir brûlant. Il faudrait des mains spéciales pour le toucher sans l'abîmer.

La nuque avale la colonne vertébrale à la façon d'un boa, engoule le dos dans son mystère, dos droit, pas un millimètre qui ait été façonné par les paluches rustiques du hasard. Tout a été prévu, des reins aux épaules, pour l'emplacement des ailes, le jour où Hélène ira rejoindre les mouettes, dans le ciel breton de ses racines mouillées. Ses mains donnent envie de se métamorphoser en piano ou en chat. Même lorsqu'elle mange avec les doigts, Hélène reste divine: ses deux mains, c'est la fourchette de Dieu. Ses jambes en sont le couteau, effilées, qui, l'été, découpent de fines tranches de soleil lorsqu'elle bronze sur le sable. Quant à son ventre, c'est une malle à Petits Jésus. Marie-Hélène. Le nombril est à ce jour la seule preuve plausible d'une possible naissance d'Hélène. Mais Hélène, c'est aussi ce postérieur en soleil, riant par deux fesses juvéniles et espiègles, et dont on ne retrouve l'ineffable infinitude qu'au cours des nuits d'août, dans la contemplation muette des siècles. Comme la voix, qui vient de nulle part, entre Alpha du Centaure et les éternités de Mozart. C'est tout ça, Hélène, trop évidemment pour une seule femme. Pas assez peut-être pour tomber en religion. Mais comment tomber lorsqu'on est crucifié?

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