Jours tranquilles à Clichy by Henry Miller

Jours tranquilles à Clichy by Henry Miller

Auteur:Henry Miller [Miller, Henry]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Littérature américaine
Éditeur: Eric Losfeld
Publié: 1967-10-01T00:00:00+00:00


Henry Miller,

New York,

Mai 1940.

Récrit à Big Sur, Mai 1956.

MARA-MARIGNAN

C’est tout près du café Marignan, sur les Champs-Élysées, que je la croisai.

Je me remettais à peine d’une séparation qui m’avait été assez pénible avec Mara Saint-Louis. Ce n’était pas son nom, mais appelons-la ainsi pour l’instant, car elle était née dans l’île Saint-Louis et c’est là que je me promenais si souvent la nuit, laissant la rouille me ronger jusqu’aux os.

C’est parce que j’ai eu de ses nouvelles tout récemment, après l’avoir crue perdue pour toujours, que je peux raconter ce qui suit. Sauf que maintenant, à cause de certaines choses qui s’élucident pour la première fois, l’histoire est devenue beaucoup plus compliquée.

Je pourrais dire en passant que toute ma vie il me semble avoir été en quête de la Mara qui dévorerait toutes les autres et leur donnerait forme et chair.

La Mara qui précipita les événements n’était pas la Mara des Champs-Élysées, ni celle de l’île Saint-Louis. La Mara dont je parle s’appelait Éliane. Elle avait épousé un homme qui avait fait de la prison pour avoir écoulé de faux billets. Elle était également la maîtresse de mon ami Carl, qui l’avait d’abord aimée passionnément mais qui, maintenant, en cet après-midi dont je parle, en avait assez, au point de ne même plus tolérer d’aller la voir seul.

Éliane était jeune, mince, jolie, mais parsemée de grains de beauté et la lèvre supérieure ornée d’une ombre de duvet. Dans les yeux de mon ami, ces défauts eurent d’abord le don d’accentuer sa beauté, mais ceux-ci à la longue finirent par le gêner, et il lui envoyait parfois de petites pointes méchantes qui la faisaient tiquer. Toutefois, chose étrange, lorsqu’elle pleurait, elle n’en devenait que plus belle. Le visage baigné de larmes, elle prenait un petit air de femme mûre et cessait d’être ce mince androgyne qui avait d’abord séduit Carl.

Le mari d’Éliane et Carl étaient de vieux amis. Ils avaient fait connaissance à Budapest. Le mari avait sauvé Carl de la faim et par la suite lui avait fourni de l’argent pour venir à Paris. Le sentiment de gratitude que Carl avait ressenti au début pour cet homme, s’était vite métamorphosé en mépris et railleries, lorsqu’il découvrit combien il était stupide et insensible. Dix ans plus tard, ils se retrouvèrent par hasard dans une rue de Paris. L’invitation à dîner qui s’ensuivit, Carl ne l’aurait jamais acceptée, si le mari ne lui avait pas flanqué une photographie de sa jeune épouse sous le nez. Carl en tomba immédiatement amoureux. Elle lui rappelait, me raconta-t-il, une fille du nom de Marcienne, dont il essayait à l’époque de coucher le souvenir dans un de ses livres.

Je me souviens bien comment l’histoire de Marcienne prit forme au fur et à mesure que les rendez-vous secrets de Carl avec Éliane devinrent de plus en plus fréquents. Il n’avait vu Marcienne que trois ou quatre fois après leur rencontre dans la forêt de Marly, où il était brusquement tombé sur elle alors qu’elle se promenait en compagnie d’un beau lévrier.



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