Journal des années noires by Guéhenno Jean

Journal des années noires by Guéhenno Jean

Auteur:Guéhenno, Jean [Jean, Guéhenno]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Éditeur: Livre de poche
Publié: 2014-04-04T16:00:00+00:00


1942

1er janvier.

L’année sera sûrement meilleure, nous sommes plus près de la fin.

Hitler a parlé à son peuple. Qu’est devenu le beau lutteur qui, il y a quelques mois, faisait rouler ses muscles ? Plus un cri de victoire. Rien qu’une prière à Dieu (dont il n’avait jamais tant abusé) de sauver l’Allemagne. « L’Allemagne doit me croire si je dis que j’eusse préféré la paix à la guerre » ; l’auteur de Mein Kampf se donne comme un bon ouvrier de paix que des « bousilleurs » sont venus malgré lui distraire de sa besogne. Le Juif Ahasvérus est l’unique responsable. L’appel dans son ensemble a un accent violemment socialiste, et cela est sans doute significatif. Craint-il un mouvement communiste ? « Camarades du parti, dit-il, j’ai pendant des années combattu le marxisme non parce qu’il était socialiste, mais parce qu’un socialisme financé par la Frankfurter Zeitung et l’aristocratie de l’or juive ou non juive ne pouvait être qu’un mensonge… » Il semble que cet homme ne sache pas très bien où, dans son peuple, sont ses véritables appuis.

Pétain aussi a parlé hier soir à la radio et ce ne fut pas moins curieux. Les difficultés où se débat son maître donne à Vichy une nouvelle audace. D’un ton modeste encore, mais insinuant, le Maréchal a expliqué que la France était encore quelque chose, un empire, que l’autorité occupante avait intérêt à le comprendre… Il s’est plaint de vivre dans un demi-exil, de ne jouir que d’une demi-liberté, et, s’il n’a pas dénoncé nommément l’Allemagne comme l’auteur de tous nos maux, il en a dit assez pour que nous ne pensions qu’à elle. Çà et là aussi des mots curieux, contre la presse, la radio, « les déserteurs » de Londres et de… Paris. Étrange !

Un moment pénible a été celui où sans s’en rendre compte il a relu deux fois tout un paragraphe de son message. Comment ne pas sentir une immense pitié. Ce vieil homme dont l’attention à chaque instant faiblit, comment serait-ce la France ? Naturellement, les journaux de Paris ne soufflent pas mot ce matin de ce discours.

Une des plus grandes habiletés de l’Action Française fut de créer une sorte de snobisme de l’intelligence. Maurras s’étant donné pour son unique défenseur, chacun de ses partisans avait tout lieu de se croire le plus fin et le plus subtil des hommes après lui. Malheureusement, leurs visages trahissaient ces jeunes snobs. La sottise et la prétention illuminaient, et le moins pénible n’était pas de voir l’esprit célébré par de si éclatants imbéciles.

3 janvier.

Les journaux de Paris n’ont toujours pas publié le dernier message de Pétain. Mais Déat et tous les autres « déserteurs » fulminent.

Vichy d’ailleurs, repris de peur, bave de nouveau sur l’Angleterre et Churchill, et si l’on commente le discours du Maréchal, on affecte de ne le considérer que comme un discours de politique intérieure. Le fait est, je ne l’ai pas avant-hier suffisamment remarqué, que le discours était aussi un étrange aveu d’impuissance et une adjuration aux Français quasi désespérée.



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