Jour d'orage by Kathrine Kressmann Taylor

Jour d'orage by Kathrine Kressmann Taylor

Auteur:Kathrine Kressmann Taylor [Taylor, Kathrine Kressmann]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


7

Ce matin-là, en voyant sa sœur arpenter la maison, Eduardo Carleone avait compris qu’elle était à nouveau de mauvaise humeur. Elvira était descendue à l’hôtel la veille au soir – sans doute poussée par son goût déplorable pour les ragots – et quelque chose avait dû déclencher sa fureur. Après le petit déjeuner, elle s’était mise à inspecter chaque meuble de la maison, accusant les serviteurs de négligence, réassortissant les bouquets que son frère avait fait composer avec les fleurs de la serre, pour finalement se disputer avec le cuisinier. Elle avait des idées bien arrêtées sur ce qui devait être servi à table ; or, ce jour-là, Eduardo avait commandé un repas trop élaboré à son goût.

Le marchese avait été obligé d’intervenir. Le menu resterait inchangé, et Elvira ne devrait plus mettre les pieds à la cuisine. Il lui fit clairement comprendre qu’il en avait assez de ses manières. Puis, s’adoucissant, il lui demanda de respecter sa tranquillité.

« Qui nous rend visite ? demanda-t-elle avec défiance. Qui as-tu invité sans m’en informer ? »

Son frère lui adressa un regard de pitié.

« Mrs Lashe, une Américaine qui loge à l’hôtel avec sa fille, Elizabeth. Tu les as sans doute déjà vues, tu passes ton temps là-bas.

— Je l’ai rencontrée, en effet. Mrs Lashe n’est pas très courtoise. Comment la connais-tu ? Es-tu descendu à l’hôtel comme je te l’avais conseillé ? Pourtant, ce n’était pas cette femme que tu aurais dû avoir à l’œil. »

Eduardo répondit tranquillement qu’en effet il s’était rendu à l’hôtel. Il n’ajouta rien. Sa réserve acheva d’agacer la malheureuse femme.

« Pourquoi ne me dis-tu rien ? s’écria-t-elle, indignée. Tu suis mes conseils, et ensuite tu me caches tout. Tu ne me dis pas ce que tu penses. As-tu vu l’Allemand ? »

Le marquis demeura calme, mais son visage s’assombrit.

« Oui, je l’ai vu. »

Il ne poursuivit pas.

« Ah, tu l’as vu, se lamenta Elvira. C’est tout ce que tu as à dire ? »

Eduardo l’observa patiemment. Comme il gardait le silence, elle essaya autre chose.

« Ne comprends-tu pas que je souffre de ne pas connaître tes pensées ni tes intentions ? Hier soir, à l’hôtel, il m’est arrivé une chose déplaisante, et je n’ai pas su quoi dire. De quoi ai-je eu l’air ? Comprends-moi bien : puisqu’ils ne peuvent t’approcher, ils se tournent vers moi. Cela m’embarrasse qu’ils voient que je n’en sais pas plus qu’eux.

— Que veux-tu dire ? l’interrogea-t-il. Que se passe-t-il ? Qui est venu te voir ? »

Elle tenta d’éluder la question.

« Je n’ai même pas pu entrer dans le bar. Ta chère Mrs Lashe était en plein rendez-vous mondain avec les Allemands. Qu’est-ce que tu dis de cela ? » lança-t-elle avec amertume.

Surpris, le marquis refusa cependant de la laisser dévier la conversation.

« Qui as-tu vu ? »

Elvira soupira.

« J’ai vu l’hôtelier, le bon à rien des frères Porzio. Autant te dire qu’il voulait des informations. Il était aussi mielleux que d’habitude, mais bien plus pressant. À mon avis, son maire de frère a dû l’envoyer en reconnaissance.



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