Jour de l'an 1000 by Anthologie

Jour de l'an 1000 by Anthologie

Auteur:Anthologie [Anthologie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy
ISBN: 2-910899-16-0
Éditeur: Nestiveqnen
Publié: 1999-09-01T04:00:00+00:00


CRISPIN

Quand les mille ans seront accomplis, Satan sera relâché de sa prison. Et il sortira pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre, Gog et Magog, afin de les rassembler pour la guerre ;

leur nombre est comme le sable de la mer…

Apocalypse XX

PROLOGUE

— Ainsi tout s’achèverait dans quatre ans, murmura le roi en refermant le livre saint.

— Rien n’est sûr, Robert. Les écritures sont difficiles à interpréter sur ce point. Mais il est indubitable que l’univers sera ébranlé lors de la millième année de l’incarnation, comme jamais il ne le fut depuis la naissance du Seigneur.

Adalbéron était venu en hâte de son évêché de Laon, à la demande du tout nouveau roi de France. Les propos convaincus de certains moines avaient inquiété le souverain quant à l’imminence de l’Apocalypse et il avait souhaité entendre l’avis de l’homme d’Église qu’il estimait le plus. À présent que le prélat l’avait guidé dans le labyrinthe des écritures, Robert était pensif. Les rides du souci étaient apparues aux coins de ses yeux, sous la lueur vacillante des chandelles qui éclairaient la salle où il recevait. Ses doigts torturaient les boucles de sa barbe fournie et ses yeux s’égaraient dans les méandres d’une intense réflexion. Il tâchait d’imaginer la fin du règne terrestre.

Le ciel et la terre allaient s’ouvrir pour rappeler les hommes vers leur éternelle demeure. Des chariots allaient sillonner le royaume des Francs dans un vacarme assourdissant, et moissonner les condamnés du jugement dernier. Des monstres fourchus, griffus et pestilentiels allaient torturer les hommes et violer les femmes, initiant par ces premières blessures une éternité de souffrances et de larmes.

Les légions démoniaques prenaient forme dans l’esprit du roi, multitude de faciès ricanants et pervers, juchés sur des corps difformes. Des doigts squelettiques lui faisaient déjà signe de les suivre, pour se joindre aux longues chaînes humaines que des diables mèneraient jusqu’aux portes de l’Enfer. Mais du royaume des cieux et des anges, le roi Robert ne voyait rien.

Ses tripes se nouèrent et une angoisse sourde monta en lui. Par le péché que le pape même lui reprochait, il se savait promis à l’Enfer. Le frisson qui parcourut son dos puissant n’échappa pas aux yeux perçants de l’évêque qui ne disait plus rien. Le prélat avait glissé les mains dans les manches de sa robe et restait droit et sévère, debout à côté du lutrin. En cet instant et malgré ses épaules étroites et ses membres osseux, il semblait plus grand que le roi. La faiblesse du maître des Francs lui inspira un sourire : il appréciait grandement de voir un tel homme en proie à la crainte du jugement dernier. Le silence devint pesant et le crépitement du feu même semblait s’être suspendu. Mais après s’être versé une coupe d’hydromel, le roi se reprit et demanda :

— Que dois-je faire, cher Adalbéron ? Comment puis-je guider mon peuple face à cette dernière mais terrible épreuve ?

— Mon cher roi, la question est délicate, répondit l’évêque. À l’heure du jugement dernier, seuls les justes seront sauvés.



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