Jour de courage by Giraud Brigitte

Jour de courage by Giraud Brigitte

Auteur:Giraud,Brigitte [Giraud,Brigitte]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Rentrée Littéraire 2019
ISBN: 9782081469778
Éditeur: Flammarion
Publié: 2019-08-20T22:00:00+00:00


une réalité dont il n’avait pas encore parlé, et qui allait le sortir de l’impasse dans laquelle il s’était engagé. Il rappela l’hostilité nazie à l’encontre de Hirschfeld, le passage à tabac dont il fut l’objet à Munich, la fusillade qui eut lieu en 1923 visant le public venu assister à une conférence organisée par l’Institut, et qui fit de nombreux blessés. Un genre d’attentat, si vous voyez. Il insista sur l’insécurité dans laquelle Hirschfeld se trouvait désormais à l’intérieur de son propre pays et qui faisait que sa vie était devenue un enfer.

Livio demanda, cette fois avec une certaine appréhension, si certains élèves avaient connu l’exil, eux ou leur famille, ce qui ne déclencha rien dans un premier temps. Quelques mains se levèrent enfin, dont certaines qui hésitèrent, comme si cette notion d’exil était floue, comme si chacun ne connaissait ni l’histoire de ses ancêtres ni sa propre histoire. Puis, encouragés par Livio qui leur laissa le temps, un adolescent sur deux finit par se désigner, après avoir hésité par souci d’exactitude, et peut-être par gêne. Marion demanda si une famille qui venait d’Ardèche et s’était installée à Lyon, c’était considéré comme un exil. Ce à quoi Livio ne sut que répondre, jusqu’à ce que quelqu’un la mette sur la piste de l’exode rural. Exode et exil était-ce la même chose ? Ses arrière-grands-parents n’avaient pas changé de langue, dit Marion, admettant finalement qu’elle n’en savait rien, et se retournant vers Mme Martel pour chercher un signe d’approbation.

Hirschfeld, qui était mondialement connu et apprécié put fuir aux États-Unis, mais aussi en France, en Asie et même au Moyen-Orient, où il était convié à donner des conférences au tout début des années 1930, ce qui était plus sûr que de rester en Allemagne, et c’est ainsi qu’il échappa à la terreur instaurée par les nazis et aux camps mis en place dès janvier 1933.

Comme Thomas Mann, comme Stefan Zweig qui finit par se suicider, rappela Livio en inclinant doucement le torse, et comme bien d’autres, il préféra ne jamais rentrer en Allemagne, c’est ce qu’on appelle un exil définitif, se risqua-t-il. Imaginez qu’il vous est impossible de rentrer chez vous, que vous êtes devenu indésirable dans votre propre pays. Ou dans votre propre famille. Livio ajouta cela in extremis, ça lui avait échappé. Et il se rendit compte en le disant que l’homosexualité était la seule minorité qui ne trouve pas forcément de réconfort auprès des siens. C’est la seule communauté qui se construit la plupart du temps hors de la famille. Et parfois contre. Il venait de découvrir cela. Il aurait besoin d’y repenser, mais il n’avait pas le temps de s’attarder.

Tout le monde, ou presque, hochait la tête face à cette idée d’exil, tout le monde mesurait la violence d’être mis dehors, d’être chassé ou de devoir se chasser soi-même. Jafar, qui n’avait quasiment jamais pris la parole depuis le début de l’année, dit que c’était le cas de ses parents, ils ne pourraient jamais rentrer en Afghanistan.



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