Joe Leaphorn T3 Femme qui écoute by Tony Hillerman

Auteur:Tony Hillerman [Tony Hillerman]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Rivages/Noir
Publié: 2011-07-02T15:11:14+00:00

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L’œil droit de John Tull était fixé sur l’objectif, noir, insolent, détestant à ce moment-là le photographe, détestant maintenant Leaphorn. L’œil gauche était aveuglément fixé vers le haut et à gauche au fond de son orbite abîmée, conférant à son visage défoncé une sorte de condensé d’obscénité et de folie. Leaphorn revint rapidement aux données biographiques. Il apprit qu’à l’âge de treize ans, John Tull avait reçu un coup de sabot qui lui avait été donné par une mule et que cela avait entraîné un enfoncement de la pommette, une fracture de la mâchoire et la perte de la vue pour un œil. Un seul coup d’œil à ces photographies suffisait à réduire à néant toute idée pouvant encore subsister selon laquelle Tull et Monture-en-Or pourraient ne faire qu’un. Même dans le reflet diffus de la lumière clignotante rouge, une vision rapide du visage de Tull se serait inscrite dans la mémoire de Leaphorn. Il n’étudia les photos qu’un instant. Le profil droit offrait des traits délicats, d’une beauté normale, trahissant le sang séminole de la mère de Tull. Le gauche montrait ce que le sabot d’une mule peut faire aux os fragiles d’un être humain. Leaphorn leva les yeux du rapport, alluma une cigarette et souffla la fumée, se demandant comment un jeune garçon pouvait apprendre à vivre derrière une façade qui rappelait aux autres leur propre mortalité fragile et douloureuse. Cela contribuait à expliquer pourquoi les convoyeurs s’étaient montrés si lents à ouvrir le feu. Et cela contribuait à expliquer pourquoi Tull était fou… s’il l’était.

Le casier judiciaire lui-même ne recelait rien de surprenant. Un casier judiciaire assez habituel, peut-être un peu riche en délits de violence. À dix-neuf ans, une peine de deux à sept ans pour tentative d’homicide, purgée à la prison de Santa Fe sans libération sous condition (ce qui signifiait presque à coup sûr un séjour agité derrière les barreaux). Puis une courte peine pour vol à main armée et, par la suite, uniquement des arrestations comme suspect avec une seule accusation de vol qui n’avait pu être prouvée.

Leaphorn passa à la transcription des divers interrogatoires qui avaient suivi le vol de Santa Fe. À partir de ces documents apparut une autre image de Tull : celle de quelqu’un d’intelligent et de dur. Mais il y avait une exception. L’agent qui menait l’interrogatoire était John O’Malley et Leaphorn lut la transcription deux fois.

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