Jim Glass by Toney Earley

Jim Glass by Toney Earley

Auteur:Toney Earley [Earley, Toney]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
ISBN: 9782879292854
Éditeur: Éditions de l'Olivier
Publié: 2014-12-25T16:00:00+00:00


King

Jim et oncle Zeno aperçurent d’abord le vieux camion d’Abraham qui bringuebalait sur la grand-route en direction de New Carpenter. Abraham leur fit signe par la vitre au moment où ils le doublaient. Ensuite, ils dépassèrent les forçats : deux individus blancs amaigris au teint de poussière à cause du soleil, leur chemise enroulée sur la tête comme un turban, occupés à creuser au bord de la route, avec de longues excavatrices, les trous qui accueilleraient bientôt des poteaux. Ils étaient reliés l’un à l’autre par une chaîne à la cheville. Jim le découvrit juste au moment où le camion passait près d’eux, lorsqu’un forçat leva la tête pour le regarder longuement droit dans les yeux. Quand Jim pivota sur son siège afin de voir rapetisser dans le pare-brise arrière les deux détenus ainsi que leur gardien à l’air endormi, il se sentit délicieusement effrayé. Il craignit un moment que les condamnés, qui se rapprochaient d’Aliceville à chaque trou qu’ils creusaient, fussent attachés l’un à l’autre, et rien de plus.

Après les forçats, ils longèrent des cônes de terre régulièrement espacés aux endroits où les deux hommes avaient creusé. Chaque trou recevrait ensuite un grand poteau noir. Chaque poteau supporterait les fils conduisant l’électricité jusqu’à Aliceville. Les condamnés – qu’oncle Zeno avait surnommés Coran et Al – travaillaient depuis le début de l’été, même si pour l’instant, aucun poteau n’avait encore jailli de terre.

C’était un samedi d’été indien si lumineux et si chaud que Jim avait envie de se rouler dans l’herbe et de s’étirer comme un chat. Oncle Zeno et lui se dirigeaient vers New Carpenter toutes vitres baissées. Au bout des champs, les arbres étaient jaunes, orange et or, et lorsque Jim plissait suffisamment des yeux, on aurait dit un incendie dans une plaine de l’Ouest. Comme d’habitude, oncle Zeno devait rendre visite à un homme à propos d’un chien. Jim lui dit qu’il l’aiderait à mettre l’animal dans le camion.

À cinq kilomètres de New Carpenter, ils atteignirent le sommet d’une petite côte et virent pour la première fois, dans le lointain, une longue rangée de poteaux électriques noirs qui chancelaient vers eux comme des géants et dont s’écartaient, tels des petits bras raides, les croix qui soutiendraient les fils tendus.

— Bien, bien, bien, fit oncle Zeno. On dirait que ça arrive par ici.

Il ralentit et se gara au bord de la route près du tas de terre qui jouxtait le dernier trou avant la rangée de poteaux. Ils descendirent du camion puis s’avancèrent pour jeter un coup d’œil. Jim avait l’impression que les poteaux étaient vivants et qu’ils le menaçaient vaguement du haut de leur maigreur, seul son regard les maintenant immobiles. Il découvrit qu’en décalant un peu la tête sur le côté, il pouvait faire disparaître tous les poteaux derrière le premier. Qu’en se penchant davantage d’un côté, puis de l’autre, il voyait toute la rangée s’agiter comme une queue d’animal. Il s’interrompit quand il entendit le camion d’Abraham approcher sur la route. Jim ne voulait pas que ce dernier le voie faire l’enfant.



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