Jeune libraire cherche Roman d'Amour by Mailhot Poissant Joanie

Auteur:Mailhot Poissant, Joanie [Mailhot Poissant, Joanie]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 978-2-89662-440-9
Éditeur: De Mortagne
Publié: 2015-03-04T05:00:00+00:00

Chapitre 10

Nouveau classement ?

Au coin de la rue en question, j’appelle Nouvelle Littéraire pour qu’il s’approche. Je le vois se faufiler dans l’allée en longeant les arbustes parfaitement taillés et je ne peux réprimer un rire en remarquant le regard du chauffeur de taxi. Ça sent le jugement à plein nez. J’en profite.

— Je savais bien qu’on lui avait donné son congé de l’hôpital trop tôt, que je tente d’articuler avec le plus grand sérieux.

Le chauffeur semble étrangement rassuré par mon explication (je le soupçonne d’avoir seulement ses bases de français). J’ouvre la porte à Nouvelle Littéraire qui tente un dernier regard vers la maison, pour être certain de ne pas avoir été repéré, puis se glisse sur la banquette à côté de moi. Je dis son adresse au chauffeur et nous quittons « le théâtre d’été ». Je désigne alors le compteur, qui a fait un saut faramineux depuis que nous avons franchi le pont, et somme Nouvelle Littéraire de noter le montant.

— Je sais, je te paierai… quand j’aurai retrouvé mon portefeuille.

— Et ta dignité, que je souligne en me moquant.

— C’est beau, je me sens assez imbécile comme ça, réplique-t-il avec un sourire forcé.

— Tu me dois bien une petite risée, non ?

Il ne répond pas, mais je sens qu’il est conscient que la situation est ridicule et qu’il mérite amplement mes commentaires.

— Merci, dit-il d’un ton sincère après quelques minutes.

— De rien, que je réponds sur le même ton.

— Ça me fait plaisir de te revoir, reprend-il en fuyant toutefois mon regard.

J’esquisse un sourire timide. Nous ne parlons pas beaucoup durant le trajet du retour. Il faut dire qu’un certain malaise est palpable. Une fois le côté cocasse de la situation évoqué, il reste notre histoire, qui est loin d’être reluisante. Ce qui me trouble le plus, c’est que Nouvelle Littéraire semble plus mal à l’aise que moi. Serait-ce même de la culpabilité que je perçois ?

Une fois chez lui, il m’implore de l’accompagner à l’intérieur. J’hésite. J’ai fait ma bonne action et ne suis pas certaine de vouloir continuer la soirée en sa compagnie. Après tout, la page est tournée. Mais ses yeux de bébé phoque m’achèvent. Je paye le taxi (un montant indécent) et entre avec lui.

Il m’offre de m’installer au salon, qui est rempli de paperasse et de vaisselle abandonnée, pendant qu’il se rend dans sa chambre. Je lance un bref regard à la ronde et me rends compte que c’est la première fois que je prends la peine de regarder à quoi ressemble l’endroit où vit Nouvelle Littéraire. J’étais beaucoup trop obnubilée par ses mains sur mes fesses et sa langue dans ma bouche, les autres fois, pour m’intéresser au décor. En fait, il n’y a pas grand-chose à voir, mais ça prouve que je ne faisais que passer dans sa vie, comme il le faisait dans la mienne.

Il revient au salon quelques instants plus tard, un chandail en plus. Comme Nouvelle Littéraire n’a qu’une seule causeuse, nous nous retrouvons assez vite proches l’un de l’autre.

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